À peine un mois après avoir déclaré qu’il éliminerait les peines de prison pour les journalistes et qu’il eut levé certains interdits visant des publications censurées, le gouvernement de Bahreïn fait volte-face. Les autorités du pays s’abattent sur les journalistes d’opposition, les sites web et même les dirigeants des mosquées parce qu’ils alimenteraient les tensions […]
À peine un mois après avoir déclaré qu’il éliminerait les peines de prison pour les journalistes et qu’il eut levé certains interdits visant des publications censurées, le gouvernement de Bahreïn fait volte-face. Les autorités du pays s’abattent sur les journalistes d’opposition, les sites web et même les dirigeants des mosquées parce qu’ils alimenteraient les tensions sectaires et menaceraient la sécurité nationale, indique le Centre des droits de la personne de Bahreïn (Bahreïn Center for Human Rights, BCHR).
Au moins trois journalistes d’« Al-Wefaq », porte-parole du principal groupe de l’opposition, ont été arrêtés le 28 juin et ont passé la nuit au poste, rapportent le BCHR et Reporters sans frontières (RSF). Trois autres journalistes en charge du site web Awaal.net – fermé le 24 juin en raison de sa « nature sectaire » – ont aussi été détenus. Tous les six sont accusés d’« incitation à la haine du gouvernement » et de « répandre des nouvelles susceptibles d’alimenter les divisions sectaires », dit le BCHR. Au moins deux d’entre eux présentent des signes de torture subie en garde à vue.
Selon le BHCR, les journalistes avaient publié des renseignements impliquant le Roi et des membres de la famille royale dans des scandales de corruption administrative et financière – notamment la saisie de grandes étendues de terres publiques et la naturalisation de milliers de non-Bahreïnis en fonction de leur opinion politique.
Le gouvernement bahreïni a déposé en mai des amendements à la loi du pays sur la presse, qui éliminent les peines de prison pour les journalistes et la censure préalable des publications, rapportent RSF et la Fédération internationale des journalistes (FIJ). Mais il est toujours possible de porter des accusations et d’emprisonner les journalistes en se servant du code pénal et des lois antiterroristes, disent les groupes.
Selon le BCHR, les autorités bahreïnies exploitent les tensions religieuses – souvent alimentées par les officiels eux-mêmes – pour justifier la répression de la presse et les voix critiques.
« Un grand nombre de violations sont commises à Bahreïn au nom du Roi et en se prévalant de son autorité… (Le Roi) est devenu partie au conflit plutôt que symbole d’unité nationale », dit le BCHR.
Prenons les sites web bloqués. En plus de Awaal.net, le Ministère de l’Information a fermé le 24 juin deux autres sites parce qu’ils publiaient des histoires de « nature sectaire» qui pourraient « nuire à la stabilité sociale à Bahreïn », rapporte le BCHR. D’après RSF, au moins 24 autres sites web politiques sont bloqués actuellement à Bahreïn – dont ceux du BCHR et du Réseau arabe d’information sur les droits de la personne (Arabic Network for Human Rights Information, ANHRI), qui est membre de l’IFEX.
À l’issue d’une réunion du cabinet en juin, le gouvernement a annoncé son intention de mettre sur pied une commission chargée de suivre de près les mosquées, les articles de presse et les forums en ligne afin d’y détecter les violations concernant le Roi, l’unité nationale et l’identité arabe – délits inscrits au code pénal de Bahreïn, indique RSF.
Dans une autre affaire, le militant Abdullah Bou-Hassan a été arrêté pour avoir écrit un article publié dans le bulletin de liaison de la Société nationale d’Action démocratique et pour avoir déployé une bannière politique dans sa voiture, rapporte le BCHR. Il a été inculpé aux termes du code pénal d’incitation à la haine et d’insulte au régime en place.
« Nous sommes frustrés qu’après avoir lu dans la presse que le Cabinet avait décidé d’abolir les peines de prison pour les journalistes, cet incident prouve que le système judiciaire à Bahreïn, et en particulier le code pénal, contient toujours des dispositions qui prévoient la prison pour délits de rédaction, de publication et de distribution », dit le BCHR.
Le BCHR exige que le gouvernement réforme le code pénal et les autres lois qui limitent la liberté de la presse, le journalisme en ligne et le prêche dans les mosquées sous prétexte d’atténuer les tensions sectaires.
Les amendements proposés à la loi sur la presse seront étudiés au Parlement en octobre.
Consulter les sites suivants :
– BHCR, à propos des fermetures de sites web et des tensions sectaires :
http://ifex.org/en/content/view/full/95155/
– BCHR : http://www.bahrainrights.org/en
– RSF : http://www.rsf.org/article.php3?id_article=27731
– FIJ : http://tinyurl.com/6mr3x8
– Page de l’IFEX sur Bahreïn : http://tinyurl.com/ytqq7w
– Association des journalistes de Bahreïn : http://www.bja-bh.org/en
(9 juillet 2008)