À Moscou, un jury a acquitté la semaine dernière les trois hommes inculpés du meurtre d’Anna Politkovskaïa, journaliste et critique du Kremlin, ce qui révèle l’incapacité de la Russie à poursuivre les auteurs de l’un des assassinats les plus infâmes de Russie, disent les membres de l’IFEX. « Les procureurs russes ont démontré jusqu’à maintenant […]
À Moscou, un jury a acquitté la semaine dernière les trois hommes inculpés du meurtre d’Anna Politkovskaïa, journaliste et critique du Kremlin, ce qui révèle l’incapacité de la Russie à poursuivre les auteurs de l’un des assassinats les plus infâmes de Russie, disent les membres de l’IFEX.
« Les procureurs russes ont démontré jusqu’à maintenant leur incapacité à traduire en justice ceux qui ont orchestré ce crime », a déclaré l’Institut international de la presse (IIP). « Si le système judiciaire russe veut conserver quelque crédibilité, les autorités vont devoir redoubler d’efforts dans cette enquête et poursuivre les tueurs, quelle que soit leur position dans la société. »
Les frères tchétchènes Dzhabrail et Ibragim Makhmoudov et un ancien officier de police, Sergeï Khadzhikourbanov, étaient accusés d’avoir contribué à organiser et à conclure le meurtre commandité de Politkovskaïa, survenu en 2006. Ils ont été inculpés de meurtre et étaient passibles de la prison à vie en cas de culpabilité. Un officier du service d’espionnage russe, Pavel Ryaguzov, a été inculpé dans une autre affaire, séparée mais reliée au meurtre de Politkovskaïa. Les quatre prévenus ont été acquittés.
Le verdict a été accepté par les membres de l’IFEX et les partisans de Politkovskaïa, dont un grand nombre ont dit que le jury avait agi conformément à la loi, mais que le dossier de la poursuite était faible – parce qu’elle avait négligé de produire suffisamment de preuves devant le jury.
On blâme aussi la corruption des autorités pour cet échec. Les accusés étaient en fait reliés au meurtre, insistait Sergeï Sokolov, un des rédacteurs de Politkovskaïa, mais une enquête bâclée et un piètre travail devant le tribunal n’ont pas réussi à en faire la preuve. Selon Sokolov, « c’est le système corrompu des structures d’application de la loi dans son entier qui a été mis à contribution pour bloquer le travail de l’enquête. »
Reporter au journal d’enquête « Novaïa Gazeta », Politkovskaïa s’était fait au Kremlin de puissants ennemis en fouillant dans les atrocités commises par les autorités russes en Tchétchénie. Elle avait été abattue le 6 octobre 2006 dans l’immeuble où se trouvait son appartement.
Son assassinat a déclenché une longue chasse au tueur, à ses complices et à ceux qui ont commandé la mort de Politkovskaïa. Mais selon les reportages, les personnes acquittées la semaine dernière étaient accusées d’avoir tenu des rôles relativement mineurs dans le meurtre. Le tueur soupçonné – un troisième frère Makhmoudov, Rustam – a disparu et est recherché en vertu d’un mandat international.
Selon des membres de l’IFEX qui ont suivi de près cette affaire, l’enquête a été entravée dès le départ. Des dix suspects arrêtés en août 2007 par le Bureau du procureur général, trois seulement ont subi un procès pour leur participation au crime. Les sept autres, parmi lesquels se trouvent deux membres de la police de Moscou, ont été libérés dans des circonstances obscures. Le tueur présumé et les cerveaux qui ont commandé le crime n’ont jamais été arrêtés.
La Russie arrive au troisième rang des pays les plus meurtriers du monde pour les journalistes, indique le CPJ. Sous la direction actuelle en Russie, vingt journalistes sont morts à cause de leur travail; seize d’entre eux ont été assassinés en représailles à leurs reportages. Dans un seul de ces meurtres, celui d’Igor Domnikov de la « Novaïa Gazeta », les assassins ont été trouvés coupables, mais les commanditaires courent toujours tous au large.
La Fondation pour la défense de la glasnost (Glasnost Defense Foundation, GDF) et le Centre pour le journalisme en situations extrêmes (Center for Journalism in Extreme Situations, CJES), en plus de la Fédération internationale des journalistes (FIJ) et du Syndicat des journalistes de Russie (Russian Union of Journalists, RUJ), mettent la dernière main à une enquête sur la crise de l’impunité en Russie.
Consulter les sites suivants :
– CPJ : http://ifex.org/en/content/view/full/100954/
– CJES : http://www.lenta.cjes.ru/?lang=eng
– GDF : http://www.gdf.ru/
– FIJ : http://tinyurl.com/bryqbg
– IIP: http://tinyurl.com/b4abss
– RSF : http://www.rsf.org/article.php3?id_article=30359
– Page de l’IFEX sur la Russie : http://tinyurl.com/c5bnoh
– « Los Angeles Times » : http://tinyurl.com/cbmnbd
(Photo : Ibragim Makhmoudov (à gauche) et son frère Dzhabrail, acquittés récemment du meurtre de la journaliste d’enquête russe Anna Politkovskaïa. Photo courtoisie de Reuters)
(25 février 2009)