La semaine dernière, un cadavre criblé de balles a été trouvé dans un dépotoir situé aux limites de la ville de Lázaro Cárdenas, dans l’État occidental de Michoacán, au Mexique. Le cadavre était celui de Miguel Ángel Villagómez Valle, rédacteur en chef d’un journal de Michoacán. Il avait été vu pour la dernière fois au […]
La semaine dernière, un cadavre criblé de balles a été trouvé dans un dépotoir situé aux limites de la ville de Lázaro Cárdenas, dans l’État occidental de Michoacán, au Mexique. Le cadavre était celui de Miguel Ángel Villagómez Valle, rédacteur en chef d’un journal de Michoacán. Il avait été vu pour la dernière fois au moment de quitter son bureau la veille, le 9 octobre.
Le journal de Villagómez, « Noticias de Michoacán », couvre en profondeur le trafic de drogue, la corruption et le crime organisé – les raisons principales qui faisaient de lui une cible. D’après le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), un mois avant sa mort, il avait dit à sa famille qu’il avait reçu un appel de menaces des Zetas, d’anciens soldats qui travaillaient pour le puissant cartel de la drogue du Golfe. Il avait prévenu sa famille d’être sur ses gardes.
Malheureusement, son cas n’est que le dernier d’une longue série d’enlèvements, de disparitions et d’assassinats de journalistes survenus au cours de la dernière année au Mexique, maintenant le pays le plus dangereux des Amériques pour les journalistes et les professionnels des médias, dépassant même la Colombie. Au cours des huit dernières années, dit ARTICLE 19-Mexique, au moins 24 journalistes et travailleurs des médias ont été tués, huit autres sont toujours portés disparus, tandis que des dizaines d’autres ont reçu des menaces.
Selon la Fédération internationale des journalistes (FIJ), Villagómez n’a pas été le seul journaliste assassiné ce jour-là. David García Monroy, un journaliste pigiste qui collaborait aux journaux « La Jornada » et « El Diario de Chihuahua », compte parmi les onze personnes assassinées par des tueurs professionnels qui ont fait irruption dans le bar où il prenait un verre, dans la ville septentrionale de Chihuahua, et qui ont ouvert le feu.
« Ces derniers meurtres démontrent à quel point il est urgent de défier l’impunité, de trouver les tueurs et de les traduire devant les tribunaux », déclare la FIJ.
L’impunité qui entoure les crimes contre la presse constitue l’une des caractéristiques les plus alarmantes de la situation générale des droits de la personne au Mexique. Ce pays se classe au dixième rang selon l’Indice de l’impunité du CPJ. Il s’agit d’une liste des pays où on assassine de manière récurrente les journalistes et où les gouvernements échouent continuellement dans leurs enquêtes sur ces crimes.
Selon les groupes membres de l’IFEX actifs au Mexique, il est temps que le gouvernement s’en mêle. « Il est du devoir de l’État d’empêcher de pareilles occurrences et de faire enquête, de châtier les auteurs de ces crimes et de s’assurer que les victimes reçoivent une compensation appropriée. Que les auteurs soient le crime organisé, les barons de la drogue ou tout autre groupe agissant dans l’illégalité ou même de façon légale, l’État est responsable de la sécurité des communicateurs qui relèvent de sa compétence », déclarent ARTICLE 19 et le Centre national des Communications sociales (CENCOS).
Aux termes de la loi actuelle, les autorités de l’État enquêtent généralement dans les affaires d’agressions contre les journalistes. Mais, en raison du piètre bilan en matière de poursuites fructueuses, le Congrès mexicain a promis le mois dernier de déposer un projet de loi qui ferait des crimes contre les journalistes un délit fédéral – ce qui garantirait une enquête fédérale sur les meurtres de journalistes.
« Si on ne fait pas cela, la liberté de la presse sera durement atteinte tandis que les enquêtes sur les assassinats dans le monde des médias vont se désintégrer devant la corruption locale », dit la FIJ.
Alors que le gouvernement intervient très peu pour protéger ses journalistes, les groupes de défense de la liberté de la presse ont entrepris leur propre campagne contre les homicides brutaux et ciblés de leurs collègues. Il y a une semaine à peine, ARTICLE 19 et l’International News Safety Institute (INSI) ont lancé la première conférence régionale jamais organisée – fort à propos à Mexico – et concentrée sur les dangers que courent les journalistes dans les Amériques. Plus de 140 délégués ont reçu des lignes directrices en matière de sécurité, ainsi que de la formation pour les rédacteurs et les journalistes des points chauds d’Amérique latine, notamment la région de Tijuana au Mexique, infestée de drogue, les points d’affrontement en Colombie et les favelas du Brésil.
Les participants ont créé un groupe national de sécurité des médias destiné spécifiquement au Mexique, afin de déterminer des solutions pratiques aux dangers que courent tous les jours les journalistes et les professionnels des médias dans le pays. « Il est temps pour les organisations de journalistes, les propriétaires de médias et les directeurs de publications d’assumer leur rôle et d’exiger le degré de sécurité nécessaire pour exercer véritablement la liberté de la presse », a déclaré ARTICLE 19. « Les exigences centrales doivent venir de la profession elle-même. »
Lors de son Assemblée générale, début octobre, la Société interaméricaine de la presse (SIP) a constaté en Amérique latine quatre grandes tendances en ce qui concerne la liberté de la presse : l’aggravation des relations entre les gouvernements et la presse; l’utilisation inappropriée par le gouvernement des fonds publics pour exercer des pressions contre les médias et pratiquer la discrimination en accordant ou en refusant de la publicité; l’approbation de lois sur la liberté d’accès à l’information, comme au Guatemala et au Chili; et davantage d’incidents violents contre les journalistes.
Huit journalistes ont été tués en Amérique latine cette année seulement, dit la SIP, qui n’inclut pas les décès de la semaine dernière. Si le climat actuel d’impunité et de violence reliée à la drogue qui sévit au Mexique constitue un indice, il ne semble pas que la situation de la liberté de la presse en Amérique latine soit près de s’améliorer.
Consulter les sites suivants
à propos de Villagómez :
– ARTICLE 19/CENCOS : http://tinyurl.com/4lqv5u
– CPJ : http://tinyurl.com/3pnrrc
– FIJ : http://tinyurl.com/4m4xj4
– Reporters sans frontières : http://tinyurl.com/6x3jj6
– SIP : http://tinyurl.com/53aujz
à propos de la conférence régionale :
– ARTICLE 19 : http://tinyurl.com/4zdrh6
à propos des récentes tendances dans les Amériques :
– SIP : http://tinyurl.com/4mke6j
(15 octobre 2008)