(RSF/IFEX) – Ci-dessous, un communiqué de presse de RSF, daté du 4 octobre 2001 : FRANCE – VENEZUELA Visite officielle du président Hugo Chávez à Paris (8-11 octobre 2001) Les déclarations du président Chávez font planer une ombre sur la liberté de la presse au Venezuela Alors que le président du Venezuela, Hugo Chávez, entame […]
(RSF/IFEX) – Ci-dessous, un communiqué de presse de RSF, daté du 4 octobre 2001 :
FRANCE – VENEZUELA
Visite officielle du président Hugo Chávez à Paris (8-11 octobre 2001)
Les déclarations du président Chávez font planer une ombre sur la liberté de la presse au Venezuela
Alors que le président du Venezuela, Hugo Chávez, entame une visite officielle en France le 8 octobre prochain, Reporters sans frontières (RSF) s’inquiète des menaces répétées de ce dernier envers la presse. Bien qu’aucune véritable mesure n’ait été prise pour contrôler l’information, RSF dénonce la politique d’intimidation que mène le président Chávez contre les médias. D’autant que cette politique s’accompagne parfois d’agressions menées par ses partisans contre les journalistes ou de menaces de projets de loi restrictifs.
Le fonctionnement de la justice constitue un autre motif d’inquiétude. Dans deux affaires de presse, les décisions des tribunaux vénézuéliens font l’objet d’un recours devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme pour violation des droits des journalistes. Le concept d' »information opportune, véridique et impartiale » garanti par la nouvelle Constitution, adoptée en décembre 1999 à l’initiative du Président, continue par ailleurs de peser sur la presse comme une épée de Damoclès. Le 12 juin 2001, la Cour suprême l’a évoqué dans une résolution qui prive les journalistes du droit de réponse au moment où le Président les attaque dans son émission de radio « Alo Presidente ».
Or les médias sont quasiment la seule voix d’opposition au Venezuela, les partis politiques traditionnels étant largement discrédités par quarante ans de partage de pouvoir. RSF souhaite donc que les autorités françaises fassent part de leur préoccupation face à cette situation au président vénézuélien lors de son séjour à Paris.
« A bas les journalistes et le capitalisme »
Depuis son accession à la présidence en février 1999, Hugo Chávez multiplie les déclarations tonitruantes contre la presse qui critique sa gestion. Sa principale tribune est son émission de radio dominicale « Alo Presidente », diffusée sur la station publique Radio Nacional de Venezuela. A plusieurs reprises, il a accusé les directeurs de journaux d’être des « ennemis du peuple » ou de « manipuler l’information » avant de leur promettre « du plomb ».
Se présentant comme un président proche des classes populaires, Hugo Chávez a accusé, en février 2001, « un groupe de quatre ou cinq personnes qui ont accumulé argent et pouvoir médiatique pendant des années » de mener une « conspiration » pour ne pas informer sur les succès de son administration. Quelques jours plus tôt, au cours d’une cérémonie, il s’était exclamé « à bas les journalistes et le capitalisme. »
La presse étrangère également visée
Le 7 novembre 2000, au cours d’une conférence de presse, le président Chávez s’était attaqué aux hebdomadaires colombiens Semana et Cambio auxquels il reprochait d’être les porte-parole de « l’ignominieuse oligarchie colombienne et continentale » et a accusé le quotidien El Tiempo, de Bogotá, de « diffuser des mensonges et de faire obstacle à l’intégration » régionale.
Le 10 juin 2001, au cours de son émission « Alo Presidente », Hugo Chávez était allé jusqu’à menacer d’expulsion les étrangers qui lui manqueraient de respect dans leurs déclarations aux médias. Des propos qui survenaient après la visite au Venezuela de la dirigeante politique péruvienne Lourdes Flores. Dans ses déclarations à la presse, celle-ci s’était inquiétée de l’avenir des libertés au Venezuela, faisant le parallèle entre l’évolution autoritaire du régime de l’ancien président Fujimori et la politique du président Chávez.
Des pressions et des menaces
Si les déclarations du président Chávez ne sont pas suivies de mesures visant à contrôler l’information, ce discours hostile à la presse a, très vraisemblablement, favorisé plusieurs agressions de journalistes. Le 1er mai 2000, quatre d’entre eux ont été pris à partie par des militants lors d’une manifestation de soutien au Président. Craignant pour leur sécurité, les chaînes de télévision Venevision et Televisora de Caracas avaient préféré ne pas envoyer leurs équipes.
Par ailleurs, plusieurs journalistes ont dénoncé des pressions supposées du gouvernement sur leur média. Le 4 mai 2000, l’émission du journaliste Napoleon Bravo, « 24 horas », diffusée sur la chaîne de télévision Venevision, est supprimée. D’après Napoléon Bravo, le gouvernement a fait pression sur la direction de la chaîne pour obtenir la suppression de l’émission dans laquelle il avait critiqué la politique du gouvernement à plusieurs reprises. Quelques mois plus tôt, Teodoro Petkoff avait également affirmé avoir été contraint de démissionner de son poste de directeur d’El Mundo après que le gouvernement, agacé par ses critiques, eut fait pression sur les propriétaires du quotidien pour obtenir son départ.
Enfin, le 9 juin 2001, Hugo Chávez a promis de s’en prendre aux coupables d’évasion fiscale. Parmi eux, « une chaîne de télévision qui dispose de beaucoup de ressources », dont il ne cite pas le nom, et le groupe de presse Cadena Capriles auquel appartient le quotidien El Mundo. Depuis le mois d’avril 2001, il est également question d’adopter une loi sur le contenu des émissions de radio et de télévision.
Justice vénézuélienne contre justice internationale
Des soupçons pèsent sur l’indépendance réelle de la justice vénézuélienne, dont les décisions, dans deux affaires de presse, se trouvent contestées par la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH).
Le 12 juin 2001, la Cour suprême a rejeté le recours déposé par le journaliste Elias Santana en vue d’obtenir un droit de réponse dans l’émission de radio du président Hugo Chávez, « Alo Presidente ». Le 27 août 2000, le chef de l’Etat avait qualifié Elias Santana, également président d’une association, de « représentant d’un secteur minuscule de la société civile ». La Cour a considéré qu’Elias Santana disposant déjà d’une tribune dans deux médias, il ne pouvait prétendre à un droit de réponse ou de rectification. La Cour suprême a d’ailleurs saisi l’occasion pour défendre l’article 58 de la Constitution qui stipule que l’information doit être « véridique, opportune et impartiale ». Jugée restrictive et dangereuse, cette décision fait, depuis, l’objet d’un recours devant la CIDH. Considérant lui-même la décision comme discriminatoire, le représentant du Venezuela devant la CIDH a préféré démissionner.
Par ailleurs, depuis février 2001, l’Etat vénézuélien refuse d’appliquer une résolution de la CIDH qui exige de lui le respect de la liberté de circulation et d’expression de Pablo Lopez Ulacio, directeur de l’hebdomadaire La Razon, et de son droit à la défense. Ce dernier est réfugié au Costa Rica depuis qu’un juge a ordonné, en août 2000, son placement en résidence surveillée pour avoir refusé de se présenter à une audience de son procès. Le directeur de La Razon est poursuivi pour « diffamation » par l’entreprise Multinacional de Seguros qu’il avait accusée d’obtention irrégulière de marchés publics. L’avocat du journaliste a justifié l’attitude de son client par l’absence des « garanties minimales d’impartialité de la part des autorités judiciaires », mettant en avant des connexions présumées entre le propriétaire de Multinacional de Seguros et plusieurs hauts responsables du pouvoir judiciaire ainsi que le président Hugo Chavez. En juin 2000, un autre juge avait déjà interdit au journal de publier des articles sur Multinacional de Seguros.