Dans la campagne de répression de la libre expression que mène en ce moment le gouvernement de Bahreïn, les blogues et les sites web de réseautage social sont censurés, les dirigeants syndicaux sont frappés de poursuites en diffamation et les défenseurs des droits de la personne risquent jusqu’à 10 ans de prison, voire la prison […]
Dans la campagne de répression de la libre expression que mène en ce moment le gouvernement de Bahreïn, les blogues et les sites web de réseautage social sont censurés, les dirigeants syndicaux sont frappés de poursuites en diffamation et les défenseurs des droits de la personne risquent jusqu’à 10 ans de prison, voire la prison à vie, selon ce que rapportent le Centre des droits de la personne de Bahreïn (Bahrain Center for Human Rights, BCHR), Human Rights Watch et ARTICLE 19.
La semaine dernière, Abdul Hadi Al-Khawaja, ancien président du BCHR, qui travaille actuellement pour Front Line, comparaissait devant le tribunal pour répondre à l’accusation d’avoir « inspiré la haine et l’irrespect », découlant d’un discours prononcé en janvier dans lequel il s’était montré critique à l’égard du gouvernement. Human Rights Watch, qui suit le procès de près avec Front Line, invite Bahreïn à abandonner les charges et à lever l’interdit de voyage qui frappe Al-Khawaja.
« Se prononcer franchement contre les maîtres d’un pays ne doit pas être considéré comme un crime », dit Joe Stork, directeur adjoint pour le Moyen-Orient à Human Rights Watch. « Un gouvernement qui prétend promouvoir la démocratie et les droits de la personne comme Bahreïn ne doit pas jeter les gens en prison à cause de ce qu’ils disent et écrivent. »
Dans son discours, Al-Khawaja a qualifié le gouvernement de « régime oppresseur », qui « pille les terres publiques, dégrade les gens et fait appel à des mercenaires contre la population ». Il a invité le public à exiger le retrait de « la clique au pouvoir » par des « moyens pacifiques ».
Al-Khawaja a remercié l’observateur du procès, Andrea Rocca de Front Line, qui rapportait les péripéties des délibérations à Human Rights Watch et au Secrétariat de l’IFEX. « Il semble que la présence d’Andrea comme représentant d’importantes ONG internationales a eu beaucoup d’impact en ce qui concerne les restrictions et le déroulement du procès », a-t-il dit. Rocca a fait remarquer que, « dans des occasions précédentes, on avait constaté une très importante présence de policiers anti-émeute à l’extérieur et à l’intérieur du palais de justice, dont l’accès était limité. Cependant, ce matin, la présence des policiers anti-émeute était minimale, bien qu’on ait remarqué e revanche la présence de nombreux policiers en civil. L’accès à la salle du tribunal n’était pas restreint », et des représentants du BCHR et de la famille Al-Khawaja ont pu entrer librement.
ARTICLE 19 rapporte qu’un autre procès est en cours contre Abduljalil Alsingace, Hasan Mushaima et Mohamed Habib Al-Muqdad, des défenseurs des droits de la personne, « en représailles à leurs activités d’édition et à leurs discours sur la situation politique à Bahreïn ». Ils ont été arrêtés le 26 janvier; Alsingace a été libéré sous caution, tandis que les deux autres demeurent incarcérés. Ils reviendront devant le juge le 24 mars pour répondre à 18 chefs d’accusation, le plus grave ayant trait à l’Article 6 du Code de 2006 sur le terrorisme, qui prévoit la prison à vie. Le 6 février, 20 membres de l’IFEX, dirigés par le BCHR, ont protesté contre l’arrestation des trois hommes.
En dépit d’une constitution qui protège le droit à la libre expression, on assiste ces dernières semaines à une vague de mesures de censure dirigées contre les journalistes, les blogueurs et les militants.
Le BCHR rapporte cette semaine que le ministre de l’Information, Mai Al-Khalifa, étend aux sites de réseautage social comme Facebook la campagne de censure déjà en cours sur l’Internet. Le BCHR a découvert que le gouvernement avait retiré du site de Facebook des liens avec des reportages de nouvelles critiques ou avec des communiqués émanant de groupes de surveillance du respect des droits. Déjà, des centaines de sites web sont bloqués par le gouvernement au motif qu’ils « incitent à la violence », indique le BCHR.
Le BCHR condamne aussi la poursuite en diffamation intentée contre deux membres de l’Association de Nursing de Bahreïn (Bahrain Nursing Association), accusés de diffamer des dignitaires au Complexe Médical de Salmaneyya, le principal hôpital public de Bahreïn. La Haute Cour pénale tranchera dans leur affaire le 24 mars.
Par ailleurs, les poursuites se multiplient contre deux autres journalistes, Lamees Dhaif du journal « Al Waqt » et Maryam al-Sherooqi, du journal « Al Wasat », selon ce que rapporte HRW.
Dhaif risque trois ans de prison pour avoir écrit une série qui présentait des études de cas pour démontrer les failles du système judiciaire de Bahreïn en matière de droit de la famille, et al-Sherooqi est accusée d’« insulte et de dégradation du Bureau de la fonction publique » pour avoir mis à nu les pratiques d’embauche discriminatoires du Bureau.
Consulter les sites suivants :
– Couverture de l’affaire Al-Khawaja par HRW : http://tinyurl.com/d5jdn9
– Site web du BCHR : http://www.bahrainrights.org/en
Action commune de l’IFEX pour trois détenus :
http://ifex.org/fr/content/view/full/100649/
– Page de l’IFEX sur Bahreïn : http://tinyurl.com/cuktq5
(Photo courtoisie d’BYSHR)
(18 mars 2009)