A l'initiative de RSF, des membres du Parlement européen entament une campagne de soutien aux journalistes turcs emprisonnés.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 5 avril 2017.
A l’initiative de Reporters sans frontières (RSF), des membres du Parlement européen entament une campagne de soutien aux journalistes turcs emprisonnés. Les eurodéputés écologistes lancent le mouvement ce 5 avril 2017 en écrivant au caricaturiste Musa Kart, incarcéré sans jugement depuis plus de cinq mois et qui risque jusqu’à 29 ans de prison.
A ce jour, des représentants de trois groupes politiques du Parlement européen se sont joints à la proposition de RSF d’écrire à des journalistes emprisonnés en Turquie.
L’organisation publie le courrier que les députés écologistes adressent ce 5 avril au caricaturiste Musa Kart. Eva Joly et les coprésidents du groupe Verts/ALE, Ska Keller et Philippe Lamberts, le signent au nom des membres de la formation. Des députés socialistes (S&D), de la gauche radicale (GUE/NGL), ainsi que d’autres groupes contactés par RSF, doivent leur emboîter le pas dans les semaines à venir.
« Par cette lettre nous voulons vous témoigner notre solidarité, vous rappeler que vous n’êtes pas seul, vous dire que votre regard acéré sur l’actualité manque cruellement au moment où la Turquie se mue en régime autoritaire, écrivent les députés verts. Tenez bon Musa ! Même à des milliers de kilomètres, même encore inconnus pour vous, nous sommes à vos côtés, attachés à la liberté, à la presse libre et à une Turquie démocrate. »
Avec une centaine de journalistes derrière les barreaux, la Turquie est aujourd’hui la plus grande prison du monde pour les professionnels des médias. La plupart, arrêtés dans le cadre de l’état d’urgence consécutif à la tentative de putsch du 15 juillet 2016, n’ont pas encore été jugés. Des dizaines de journalistes sont soumis à un isolement sévère dans la section 9 de la prison de haute sécurité de Silivri, en banlieue d’Istanbul. La remise en liberté conditionnelle de 21 d’entre eux, ordonnée le 31 mars par un tribunal d’Istanbul, a été bloquée in extremis par un recours du parquet et de nouvelles inculpations.
RSF a sollicité cinq groupes parlementaires européens pour écrire à cinq journalistes turcs emprisonnés. La journaliste Nazlı Ilıcak et son collègue Şahin Alpay, tous deux âgés de plus de 70 ans, sont derrière les barreaux depuis fin juillet 2016. Le caricaturiste Musa Kart et l’éditorialiste Kadri Gürsel, président du comité turc de l’International Press Institute (IPI), ont été arrêtés fin octobre. Le journaliste d’investigation Ahmet Şık, comme eux deux collaborateur du quotidien indépendant Cumhuriyet, les a rejoint en détention fin décembre.
« Le journalisme est aujourd’hui criminalisé en Turquie, dénonce Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. Une ligne éditoriale critique du président Erdoğan suffit pour être jeté en prison, accusé de terrorisme et privé de tout recours effectif. Nous exigeons à nouveau la libération immédiate de tous les journalistes incarcérés du fait de leurs activités professionnelles et l’abrogation des décrets-lois adoptés sous l’état d’urgence, qui légalisent l’arbitraire et piétinent la liberté d’expression.”
La Turquie occupe la 151e place sur 180 au Classement 2016 de la liberté de la presse, publié par RSF. Déjà très préoccupante, la situation des médias est devenue critique sous l’état d’urgence proclamé à la suite de la tentative de putsch du 15 juillet 2016. Près de 150 titres ont été liquidés par décret et plus d’une centaine de journalistes sont actuellement en prison. Pas moins de 775 cartes de presse et des centaines de passeports de journalistes ont été annulés sans autre forme de procès. La censure d’Internet et des réseaux sociaux atteint des niveaux inédits. Des restrictions qui limitent considérablement le débat démocratique, à deux semaines d’un référendum crucial pour l’avenir du pays.