Nese Düzel et Adnan Demir sont ainsi poursuivis du fait de deux reportages publiés en avril 2010, qui contenaient des interviews d'anciens dirigeants du PKK, Zübeyir Aydar et Remzi Kartal.
(RSF/IFEX) – Le 26 octobre 2011 – Alors que l’offensive militaire s’intensifie dans l’est de la Turquie et jusque dans les pays voisins, la presse est plus que jamais prise en otage dans l’affrontement entre les autorités et les rebelles kurdes du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan, interdit). Procès en cascade, détentions prolongées, et maintenant directives gouvernementales à destination de la presse. . . L’amalgame entre combattants rebelles et journalistes abordant la question kurde d’un point de vue critique se perpétue, au nom de la lutte antiterroriste. Parallèlement, les inquiétudes montent quant à la volonté du gouvernement de contrôler l’information sur l’offensive en cours.
En prison pour une interview ?
La justice turque persiste à assimiler à de la « propagande », un crime passible de plusieurs années d’emprisonnement, le fait de publier des interviews de membres du PKK. Et ce, même si le commentaire qui en est fait est loin d’être élogieux.
La journaliste du quotidien libéral Taraf, Nese Düzel, et son rédacteur en chef Adnan Demir, sont ainsi poursuivis du fait de deux reportages publiés en avril 2010, qui contenaient des interviews d’anciens dirigeants du PKK, Zübeyir Aydar et Remzi Kartal. Le 14 octobre, le procureur de la 11e chambre de la cour d’Assises d’Istanbul a requis sept ans et demi d’emprisonnement. La prochaine audience doit se tenir le 9 décembre. Le même tribunal continuera d’instruire, le 26 octobre, le procès du journaliste Ertugrul Mavioglu. Ce dernier est poursuivi pour un reportage publié en octobre 2010 dans Radikal, et qui contenait une interview d’un responsable du KCK (Union des communautés du Kurdistan, décrite comme la branche urbaine du PKK), Murat Karayilan.
Sept ans et demi de prison sont également requis contre Recep Okuyucu, correspondant de Taraf dans la province de Batman (Sud-Est) et rédacteur en chef du journal local Batman Medya. Le parquet de Diyarbakir (Sud-Est) lui reproche notamment de s’être connecté 53 848 fois au site de l’Agence de presse Euphrate (ANF, www.firatnews.org), bloqué par les autorités qui le considèrent comme un relais du PKK. Le journaliste s’est défendu en rappelant que sa profession l’obligeait à se connecter chaque jour aux sites les plus divers.
Recours massif à la détention préventive
Le chroniqueur et ancien directeur de la publication du quotidien en langue kurde Azadiya Welat, Tayyip Temel, a été interpellé le 4 octobre à Diyarbakir, puis placé en détention. Il a été interrogé pendant 15 heures par sept procureurs dotés de pouvoirs spéciaux, avec 35 autres personnes suspectées d’appartenir au KCK.
Des charges ont enfin été présentées, fin septembre, contre deux journalistes de l’agence de presse pro-kurde Diha (Dicle Haber Ajansi) incarcérés depuis le 15 avril. Kadri Kaya, chef du bureau de l’agence à Diyarbakir, et Erdogan Atlan, correspondant à Batman, sont passibles de vingt ans de prison pour « collaboration » avec le PKK et « propagande » en faveur de cette organisation. Ils comparaitront pour la première fois devant la 7e chambre de la cour d’Assises de Diyarbakir le 2 novembre. On leur reproche essentiellement leur couverture des opérations armées turques et des manifestations kurdes. Erdogan Atlan est également mis en cause pour avoir couvert le procès d’un « gardien de village » (membre d’une milice paramilitaire locale associée à l’armée turque), accusé d’abus sexuel sur un mineur à Batman. Couverture dont le but était, selon l’accusation, de « rabaisser la place des forces de l’ordre aux yeux de la société ».