Les médias kenyans ont échoué dans leur mission de rapporter pleinement la crise politique et la violence qui ont suivi l’élection présidentielle de décembre parce qu’ils étaient trop occupés à tenter de préserver la paix, affirme une mission d’exploration conjointe d’ARTICLE 19, de Reporters sans frontières (RSF) et de l’International Media Support (IMS), une organisation […]
Les médias kenyans ont échoué dans leur mission de rapporter pleinement la crise politique et la violence qui ont suivi l’élection présidentielle de décembre parce qu’ils étaient trop occupés à tenter de préserver la paix, affirme une mission d’exploration conjointe d’ARTICLE 19, de Reporters sans frontières (RSF) et de l’International Media Support (IMS), une organisation qui vient en aide aux médias locaux dans les zones où sévissent des conflits.
Les journalistes, obsédés par les appels à la paix et à la réconciliation et critiquant les politiciens du pays qu’ils qualifiaient d’irresponsables, ont renoncé à leur fonction de chiens de garde. Ils ont « omis de rapporter les faits, de les présenter à ceux qui étaient impliqués dans les événements et de laisser le public juger du résultat », indique le rapport de la mission.
Le rapport souligne que la couverture du litige électoral par les médias du Kenya, qui a plongé pratiquement le pays dans la guerre civile et entraîné le déplacement d’environ 500 000 personnes, a été assourdie. « Les journaux auraient dû créer des équipes pour enquêter et savoir qui avait remporté ou perdu l’élection » après qu’il fut devenu évident que les résultats étaient truqués, « mais ils ne l’ont pas fait par peur d’être agressés physiquement soit par le gouvernement, soit par la population », dit le rapport.
Selon David Makali, directeur du Media Institute, un groupe membre de l’IFEX basé à Nairobi, l’une des erreurs les plus graves des médias a été de ne pas défier l’interdit qui a frappé les émissions en direct. Les journalistes ont plutôt eu recours à l’autocensure, ils ont minimisé certaines histoires et ont complètement négligé d’en couvrir d’autres, ou encore ils ont retransmis des messages de paix, dans certains cas sur les ordres du gouvernement.
Les rédacteurs et les journalistes manquaient d’expérience dans la couverture d’une crise de cette ampleur, dit le rapport, et le gouvernement craignait que les médias allaient envenimer la situation, faisant allusion au rôle que les médias ont joué dans l’incitation au génocide au Rwanda.
Les trois organisations pressent le gouvernement de faire davantage confiance aux médias et de les aider à accroître leur capacité à couvrir les situations d’urgence, et appellent les partis politiques à cesser d’utiliser les stations de radio communautaire comme outils politiques. Elles invitent également les médias à revoir leurs succès et leurs échecs dans la couverture de l’élection et de ses suites, et à former leurs journalistes au reportage d’enquête.
Lire « How far to go? Kenya’s médias caught in the turmoil of a failed election » (Jusqu’où aller ? Les médias du Kenya dans la tourmente d’une élection gâchée) ici : http://tinyurl.com/36vc2p
(11 mars 2008)