L’Association des journalistes thaïlandais (Thai Journalists Association, TJA), l’Alliance de la presse de l’Asie du Sud-Est (Southeast Asian Press Alliance SEAPA), le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) et Reporters sans frontières (RSF) appellent les factions en guerre en Thaïlande à mettre fin à leurs attaques ciblées contre les reporters et les médias et […]
L’Association des journalistes thaïlandais (Thai Journalists Association, TJA), l’Alliance de la presse de l’Asie du Sud-Est (Southeast Asian Press Alliance SEAPA), le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) et Reporters sans frontières (RSF) appellent les factions en guerre en Thaïlande à mettre fin à leurs attaques ciblées contre les reporters et les médias et à permettre à tous les journalistes de couvrir librement la nouvelle sur la présente crise politique.
Les protestataires antigouvernementaux, sous la direction de l’Alliance populaire pour la démocratie (People’s Alliance for Democracy, PAD) ont occupé les deux principaux aéroports de Bangkok pendant plus d’une semaine, laissant en plan plus de 300 000 voyageurs. Bien qu’ils aient crié victoire et aient mis fin à l’occupation des aéroports après que le premier ministre eut été évincé du pouvoir par décision judiciaire, leur dirigeant a prévenu qu’il était prêt à faire revenir les manifestants dans la rue.
Lors des protestations, de nombreux journalistes et médias ont rapporté avoir été harcelés, avoir été la cible de tirs et d’agressions physiques, tant de la part de partisans de la PAD que d’éléments du Front Uni pour la démocratie contre la dictature (United Front for Democracy against Dictatorship, UDD), pro-gouvernemental.
Dans un incident, des inconnus ont lancé le 24 novembre des grenades contre le bureau de Bangkok de la station de télévision par satellite ASTV, rapporte la SEAPA. Personne n’a été blessé et les dommages ont été minimes, mais quatre jours plus tard, un autre attentat à la grenade contre ASTV a blessé un présentateur des nouvelles. ASTV, qui appartient au géant des médias et leader de la PAD Sondhi Limthongkul, diffuse en direct, jour et nuit, des reportages sur les rassemblements de la PAD.
Le 26 novembre, des protestataires de la PAD ont tiré des coups de feu et lancé une bombe artisanale contre les studios de Bangkok de la station pro-gouvernementale « Taxi Radio 92,75 » FM, qui a fait deux blessés, indiquent le CPJ et RSF. Les chauffeurs de taxi de Bangkok constituent une solide base politique pour l’ancien premier ministre en exil Thaksin Shinawatra, auquel s’oppose vigoureusement la PAD. Selon RSF, des agents de sécurité de la PAD avaient tabassé des chauffeurs de taxi au même endroit la veille.
Par ailleurs le 25 novembre, des manifestants de l’UDD ont encerclé les bureaux de Chiang Mai de l’exploitant de la station de radio locale Vihok Therdsak Jiemkitwattana, un partisan d’ASTV, selon ce que rapporte le CPJ. Le groupe a traîné hors de sa voiture le père de l’exploitant lorsque celui-ci s’est approché de la station assiégée. Il a été tabassé et abattu.
D’après la SEAPA, les reporters basés dans les aéroports se sont plaints que les manifestants de la PAD les avaient filmés sur bande vidéo en train de faire leur travail, qu’ils avaient effectué des fouilles physiques et confisqué des appareils et des séquences, et qu’ils les avaient pressés de ne rapporter sur leur parti que des histoires positives. Lors d’un autre incident à Don Mueang, l’aéroport des vols locaux de Bangkok, un photographe du plus important journal en langue thaïe, « Thai Rath » a été agressé le 28 novembre par des gardiens de sécurité de la PAD après avoir pris des photos d’un gardien de la PAD en train d’agresser quelqu’un.
Alarmés par la séries d’agressions de journalistes, la TJA, de concert avec le Conseil de presse de Thaïlande, la Confédération des journalistes de Thaïlande, l’Association des journalistes de la radiodiffusion thaïlandaise (Thai Broadcast Journalists’ Association) et l’Association des exploitants thaïlandais de la télévision par câble (Association of Thai Cable Operators), a rendu publique le 1er décembre une déclaration appelant le gouvernement et la PAD à cesser les actes violents dirigés contre les journalistes et à leur permettre de s’acquitter de leurs tâches sans entraves.
« Ces gestes sont inacceptables parce qu’ils font obstacle au travail des médias et menacent le droit des gens d’accéder à l’information. Nous appelons les protestataires de tous les côtés à mettre fin à ces actes une fois pour toutes », ont déclaré les groupes.
La déclaration insiste sur la nécessité pour les médias d’être objectifs, pour leur propre sûreté et pour le droit du public de savoir. « Quel que soit le résultat de la violence actuelle, les médias ont le devoir de rapporter les faits équitablement pour que le public ait assez de renseignements pour prendre ses propres décisions », disent les groupes.
« En conséquence, nous appelons les manifestants à comprendre le travail des médias. Les groupes qui s’en prennent aux médias n’emportent pas le soutien du public », ont-ils ajouté.
La TJA a offert de distribuer des brassards portant le mot « Presse » pour que les reporters soient plus facilement identifiés lorsqu’ils font leur travail.
Sondhi a prévenu que la PAD retournera dans la rue si aucun changement politique ne se produit. Au moins six personnes ont perdu la vie et des dizaines d’autres ont été blessées dans les affrontements survenus depuis quelques mois.
La PAD essaie depuis des mois de renverser le premier ministre Somchai Wongsawat, qu’elle accuse d’être la marionnette de son beau-frère Thaksin. Thaksin a été reconnu coupable de corruption et d’autres chefs d’inculpation après avoir été évincé du pouvoir par un coup d’État militaire en septembre 2006.
La PAD soutient que la majorité rurale de la Thaïlande – qui a accordé des victoires écrasantes au camp Thaksin, à cause surtout de ses généreuses politiques sociales – est trop peu éduquée pour choisir ses représentants de manière responsable et affirme qu’elle est vulnérable à l’achat de votes. Elle veut que le pays élimine le système « une personne, un vote », et verrait plutôt un système mixte dans lequel la plupart des représentants seraient choisis par professions et par groupes sociaux.
Avec l’ordonnance du tribunal qui a dissous les trois principaux partis de Thaïlande au pouvoir pour fraude électorale et mené à la démission de Somchai, la question de savoir qui détiendra le pouvoir dans une Thaïlande démocratique demeure sans réponse.
Consulter les sites suivants :
– TJA : http://ifex.org/en/content/view/full/98991/
– SEAPA : http://ifex.org/en/content/view/full/99001/
– CPJ : http://ifex.org/en/content/view/full/98995/
– RSF : http://www.rsf.org/article.php3?id_article=29479
– Page de l’IFEX sur la Thaïlande : http://tinyurl.com/4t27f8
– AP : http://tinyurl.com/6bcxdt
(Photo : Parmi les manifestants qui protestent contre le gouvernement thaï se trouvent des monarchistes ardents. Vincent Thian/AP)
(3 décembre 2008)