Les Vénézuéliens ont rejeté de peu au cours du week-end des réformes constitutionnelles qui auraient permis au Président Hugo Chávez de proclamer l’état d’urgence indéfini et de suspendre la liberté de la presse. Par ailleurs, les violents affrontements continuent en Bolivie en réaction aux projets de réforme du Président Evo Morales. Au Venezuela, les votants […]
Les Vénézuéliens ont rejeté de peu au cours du week-end des réformes constitutionnelles qui auraient permis au Président Hugo Chávez de proclamer l’état d’urgence indéfini et de suspendre la liberté de la presse. Par ailleurs, les violents affrontements continuent en Bolivie en réaction aux projets de réforme du Président Evo Morales.
Au Venezuela, les votants ont rejeté les propositions de changements constitutionnels au référendum du 2 décembre : 51 pour 100 d’entre eux se sont en effet prononcés contre, tandis que 49 pour 100 ont appuyé la réforme. En plus de permettre au président d’éliminer le droit à l’information sous l’état d’urgence, les réformes auraient permis à Chávez d’être indéfiniment candidat aux élections. Les adversaires des réformes, dont l’Institut pour la presse et la société (Instituto Prensa y Sociedad, IPYS), la Société interaméricaine de la presse (SIP), ARTICLE 19 et Reporters sans frontières (RSF), qui sont membres de l’IFEX, craignaient que ces changements ne donnent à Chávez un pouvoir sans entraves et ne menacent les droits fondamentaux.
La rebuffade, qui constitue pour Chávez une défaite sans précédent depuis son accession au pouvoir en 1988, l’obligera à se retirer à la fin de son mandat, en 2013, au lieu de continuer à être candidat jusqu’en 2050, comme il avait dit espérer. Selon les analystes, la situation redonnera courage à l’opposition et l’incitera à créer un front plus uni.
Chávez a déclaré qu’il respecterait les résultats, en dépit d’un faible taux de participation de 55 pour 100 – certains chavistas affirment que ses réformes sont allées trop loin et qu’il risquait de concentrer trop de pouvoir.
Mais le dirigeant vénézuélien demeure extrêmement populaire auprès des pauvres. Selon les dépêches, il a redistribué davantage de la richesse pétrolière que tout autre leader. « Ses partisans avaient vu dans les changements proposés la poursuite d’une transformation radicale mais pacifique qui a placé le Venezuela au coeur de la « vague rose » des gouvernements de gauche d’Amérique du Sud », dit le « Guardian ».
RSF se dit convaincu que les réformes proposées concernant les médias – et la fermeture récente de la populaire station de télévision RCTV – « ont eu un impact direct sur le résultat du référendum », et se traduiront, espère-t-on, par la « fin de la confrontation et des batailles de médias ».
Tant les médias favorables au gouvernement que ceux de l’opposition ont souffert dans les violents affrontements qu’ont suscités les débats autour des réformes. Dans un cas, l’IPYS rapporte que les reporters de la télévision Francia Sánchez de RCTV Internacional et Diana Carolina Ruiz de Globovisión ont été agressées physiquement tandis que des policiers ont assisté sans intervenir à l’agression qui s’est produite lors d’une manifestation étudiante qui se déroulait à l’extérieur du parlement le 15 octobre à Caracas. Dans un autre cas, Paulina Moreno, de la station « TV Avila », propriété d’État, a été blessée le 25 octobre par un engin explosif à Caracas, tandis que sa voiture a été aspergée d’insecticide par des opposants à la réforme.
Déjà en novembre, une délégation de la SIP avait constaté la polarisation de l’opinion publique, « de plus en plus exacerbée dans le pays à cause du climat politique où prédomine la confrontation au lieu d’un dialogue respectueux, pluriel et divers », et que le public n’avait pas eu le temps de se familiariser avec de nombreux aspects des réformes.
Par ailleurs, en Bolivie, de violentes manifestations de protestation contre la tentative du gouvernement pour réécrire la constitution ont entraîné l’agression d’au moins cinq journalistes et le harcèlement de beaucoup d’autres ces derniers jours, rapportent le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), RSF et l’IPYS.
Le 24 novembre, l’assemblée constituante qui se réunissait à Sucre a approuvé dans ses grandes lignes un projet de nouvelle constitution, qui permettrait la réélection indéfinie de Morales et donnerait plus de pouvoir politique à la majorité indigène marginalisée de Bolivie.
Dans les rues au cours du week-end, cependant, les manifestants de l’opposition ont affronté la police, ce qui a déclenché de violentes émeutes où ont été lancés des cailloux, des gaz lacrymogènes et des balles de caoutchouc. Trois manifestants et un policier ont perdu la vie dans ces affrontements, et cinq journalistes au moins ont été tabassés par la police, dit le CPJ. On estime à 130 le nombre des blessés. D’après RSF, la journaliste Lola Almudevar de la BBC a été tuée dans un accident de la circulation tandis qu’elle se rendait couvrir les troubles. Un reporter espagnol travaillant pour Reuters, Eduardo García, qui se circulait avec Almudevar, a été blessé gravement.
Une station de radio éducative catholique, ACLO, dont les émissions en langue quechua sont produites en partie par les communautés indigènes locales, a été forcée de suspendre ses émissions après avoir été menacée par des étudiants radicaux d’opposition, indique RSF.
Toute l’opposition politique a boycotté le scrutin, affirmant que Morales tente de suivre la direction de Chávez en changeant la constitution pour étendre son autorité. La constitution doit être approuvée article par article par un référendum national.
Selon le CPJ, la violence a aussi éclaté à La Paz, où Morales dirigeait le 26 novembre un rassemblement d’appui aux changements. Des manifestants favorables au gouvernement ont harcelé des journalistes et attaqué des médias. Selon le CPJ, on a rapporté ces derniers mois plus d’une dizaine d’agressions contre des journalistes.
Dans le sillage des manifestations de Sucre, le gouvernement a ouvert le dialogue avec des représentants des médias afin de garantir leur sûreté. RSF salue l’initiative, mais souligne que les discussions devraient s’étendre de façon à inclure « la classe politique tout entière, parce que les groupes d’opposition ne sont pas plus tendres envers la presse que les militants du gouvernement ».
Consulter les sites suivants :
Venezuela :
– IPYS : http://www.ipys.org/
– SIP : http://tinyurl.com/2ntz3a
– RSF : http://www.rsf.org/article.php3?id_article=24538
– ARTICLE 19 : http://tinyurl.com/32gys3
– Alertes de l’IFEX sur le harcèlement des médias :
http://ifex.org/en/content/view/full/139/
– « Guardian » : http://tinyurl.com/2rvekn
Bolivie :
– CPJ : http://tinyurl.com/2umd6c
– Dossier du CPJ, « Bolivia’s Historic Moment » :
http://www.cpj.org/boliviahistoric/index.html
– RSF : http://www.rsf.org/article.php3?id_article=24581
– Alertes de l’IFEX : http://ifex.org/en/content/view/full/130/
– Hommage à Lola Almudevar : http://www.lolaalmudevar.com/
(Photo : Le président du Venezuela, Hugo Chávez, tenant un exemplaire de la constitution et des changements qui étaient proposés. Photo courtoisie de Reuters)
(4 décembre 2007)