La Fondation pour la liberté de la presse (FLIP), la Société interaméricaine de la presse (SIP) et le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) qualifient de grande victoire contre l’impunité en Colombie la condamnation d’un ancien maire à 28 ans de prison pour avoir ordonné en 2003 le meurtre d’un journaliste qui avait dénoncé […]
La Fondation pour la liberté de la presse (FLIP), la Société interaméricaine de la presse (SIP) et le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) qualifient de grande victoire contre l’impunité en Colombie la condamnation d’un ancien maire à 28 ans de prison pour avoir ordonné en 2003 le meurtre d’un journaliste qui avait dénoncé la corruption de son administration. C’est la première fois depuis 1992 qu’une tête dirigeante ayant ourdi l’assassinat d’un journaliste en Colombie est reconnue coupable et emprisonnée, dit le CPJ.
Le 13 janvier, devant un tribunal de la province septentrionale de Santander, l’ex-maire Julio César Ardila Torres figurait parmi trois anciens responsables publics reconnus coupable du meurtre, survenu en avril 2003, de José Emeterio Rivas, animateur de Radio Calor Estereo à Barrancabermeja, dans la province de Santander.
Selon le Bureau du procureur général, Rivas a été tué en représailles après avoir accusé publiquement le maire Ardila de corruption et de collaboration avec des membres de l’AUC, un groupe paramilitaire d’extrême droite.
Un ancien collègue de Rivas a déclaré à la FLIP que l’implication du maire dans la mort de Rivas était notoire dans la ville. « Ce qui nous a surpris, c’est qu’il ait été condamné, étant donné qu’il avait annoncé qu’il serait libéré », a-t-il précisé.
« Cette décision judiciaire constitue un petit succès, petit mais pertinent, dans la lutte contre l’impunité », dit Carlos Cortés Castillo, de la FLIP, qui fait remarquer qu’en Colombie, plus de 100 journalistes ont été assassinés au cours des vingt dernières années, mais que l’affaire Rivas n’est que la deuxième où des têtes dirigeantes sont condamnées.
(L’autre cas est celui de l’humoriste et journaliste Jaime Garzón. Son assassinat en 1999 avait été ordonné par le dirigeant paramilitaire Carlos Castaño, qui a été condamné pour avoir organisé ce meurtre, mais qui a disparu en 2004 et qui aurait été, croit-on, assassiné par sa propre organisation.)
Le président de la SIP, Enrique Santos Calderón, insiste pour dire que « la décision des tribunaux colombiens dans cette affaire transmet le message que l’impunité, qui génère la violence depuis de nombreuses années, doit être éradiquée ». D’après le CPJ, la Colombie détient le taux le plus élevé, par habitant, de meurtres non résolus des Amériques.
Selon la FLIP, les progrès réalisés dans cette affaire sont attribuables en partie au processus Justice et Paix. Il s’agit d’une loi promulguée en 2005 par le président de la Colombie, Álvaro Uribe, qui accorde aux membres des groupes armés illégaux de substantielles réductions de peines en échange de l’aveu complet de leurs crimes et de leur démobilisation.
Dès septembre 2003, Ardila et les deux autres officiels avaient dû répondre à des allégations dans cette affaire, mais l’enquête avait été abandonnée l’année suivante. Ce n’est qu’en 2007, lorsque le combattant paramilitaire Pablo Emilio Quintero Dodino, qui s’est démobilisé, a avoué avoir abattu Rivas à la demande de responsables locaux, qu’ils ont de nouveau été considérés comme suspects. Quintero, anciennement membre de l’AUC, avait fait sa déclaration pendant une audience de « Justice et Paix ». Il a été reconnu coupable de s’être livré à des activités paramilitaires mais non du meurtre proprement dit.
« L’affaire Rivas, dit la FLIP, soulève un espoir de vérité et de justice en ce qui concerne les crimes commis contre les journalistes, bien que nous en soyons encore loin ». En 2007, les combattants paramilitaires démobilisés ont avoué leur participation à l’assassinat en 2002 de Efraín Varela et au meurtre en 2004 de Martín La Rotta Duarte. Dans aucun de ces crimes les têtes dirigeantes n’ont été inquiétées, même si la participation de dignitaires publics est un secret de polichinelle.
La FLIP souligne en outre que ces condamnations confirment la forte influence exercée par les paramilitaires – et qu’ils exercent toujours – sur les administrations locales et sur les journalistes, de même que leur implication dans la mort de plusieurs journalistes. Dans les provinces rurales de Colombie, par exemple, les journalistes craignent toujours la présence des paramilitaires, en dépit des assurances offertes par le gouvernement qu’ils ont été démobilisés.
D’après la FLIP, la défense envisage d’interjeter appel de la décision, ce qui aurait pour effet d’étirer le processus pendant « des années ».
Consulter les sites suivants :
– FLIP : http://www.flip.org.co/veralerta.php?idAlerta=341
– Opinion de la FLIP sur le site web du CPJ : http://tinyurl.com/bfrx2d
– SIP : http://tinyurl.com/d368fb
– Projet « Impunité » de la SIP : http://tinyurl.com/ab49ao
– CPJ : http://ifex.org/en/content/view/full/100268/
(Photo de José Emeterio Rivas, courtoisie du journal El Tiempo)
(28 janvier 2009)