Des centaines de journalistes ont été contraints à l’exil et le bilan des morts continue de s’alourdir tandis qu’on passe le cap des cinq ans de la guerre en Irak, qui reste toujours le pays le plus dangereux pour les journalistes, rapportent les membres de l’IFEX. Selon un nouveau rapport de Reporters sans frontières (RSF) […]
Des centaines de journalistes ont été contraints à l’exil et le bilan des morts continue de s’alourdir tandis qu’on passe le cap des cinq ans de la guerre en Irak, qui reste toujours le pays le plus dangereux pour les journalistes, rapportent les membres de l’IFEX.
Selon un nouveau rapport de Reporters sans frontières (RSF) sur les journalistes irakiens en exil, la plupart des journalistes fuient l’Irak après avoir reçu des menaces ou après avoir survécu à une tentative de meurtre.
Tel est le cas du journaliste Hussein al Maadidi, visé par les autorités irakiennes et l’armée américaine à cause de ses reportages sur les marines américains qui avaient tiré délibérément sur des femmes et des enfants en représailles au meurtre d’un marine à Haditha en 2005. « La police a fouillé mon domicile 23 fois », a-t-il dit à RSF. « Je ne suis jamais allé chez moi au cours des deux dernières années. J’ai même travaillé sous un autre nom pour éviter les représailles de la police. Mes articles sur ce qui se passe réellement dans l’ouest du pays les dérangent et les irritent. » Il a quitté l’Irak en octobre 2007.
Dans un autre cas, un correspondant de l’agence de nouvelles espagnole EFE s’est enfui immédiatement en Syrie avec sa femme et ses deux enfants après avoir vu, dans la pâtisserie qu’il fréquentait à Bagdad, son nom sur une affiche de personnes recherchées.
D’après Human Rights First, plus de quatre millions d’Irakiens – un Irakien sur sept – sont déplacés à l’intérieur de l’Irak ou dans des pays voisins, surtout en Syrie et en Jordanie, qui sont débordées par l’afflux des réfugiés irakiens. RSF a constaté que les journalistes qui se rendent en Jordanie se débrouillent mieux financièrement que ceux qui ont trouvé refuge en Syrie. Dans les deux pays, a constaté RSF, les journalistes irakiens peuvent travailler librement tant qu’ils se limitent à couvrir les affaires de l’Irak et qu’ils ne critiquent pas le pays hôte.
Mais peu de journalistes irakiens en exil trouvent du travail. RSF fait remarquer qu’aucune organisation n’apporte d’aide ou d’information à grande échelle aux journalistes irakiens qui vivent en exil. « Beaucoup d’entre eux doivent renoncer au journalisme », dit RSF. « Ils vivent presque tous au jour le jour. »
La situation est encore pire pour ceux qui restent derrière. Au cours des cinq dernières années, l’Irak a été l’endroit le plus dangereux du monde pour les journalistes. Selon RSF, 210 journalistes et collaborateurs des médias ont été tués depuis mars 2003, une poignée seulement d’enquêtes sur leur décès ayant débouché sur des arrestations. RSF recense 87 journalistes qui ont été enlevés Depuis le début de la guerre. On reste sans nouvelles de quinze d’entre eux.
Au lieu d’annoncer des mesures de protection pour les journalistes, cependant, les autorités irakiennes « préparent leurs tombes », dit ARTICLE 19. Au début du mois, pendant les obsèques de Shihab al-Tamimi – le président du Syndicat des journalistes irakiens mort des blessures subies lors d’un attentat à l’arme à feu survenu à Bagdad – le gouverneur de Najaf a déclaré à la presse qu’il avait réservé un terrain dans un cimetière local pour y enterrer les martyrs du journalisme irakien.
« La déclaration du gouverneur de Najaf est symptomatique de la résignation qui paralyse la direction à travers le pays et sur le plan international », dit ARTICLE 19, qui ajoute que certains homicides auraient pu être évités, en particulier dans les cas où les agressions ont été précédées de menaces de mort et où les autorités avaient le temps d’intervenir.
Le magazine « Time » ne fait presque pas appel à des journalistes irakiens parce qu’ils « sont beaucoup plus vulnérables », dit Bobby Ghosh, rédacteur en chef de l’édition internationale. Ghosh est également l’un des trois journalistes qui décrivent la couverture du conflit pour « Dateline Iraq », un rapport spécial sur vidéo du Comité pour la protection des journalistes (CPJ) rendu public à l’occasion du cinquième anniversaire de la guerre. On peut le voir à : http://www.cpj.org/datelineiraq/index.html
Consulter également les sites suivants :
– Rapport de RSF sur les journalistes irakiens en exil : http://www.rsf.org/IMG/pdf/Rapportrefugies_FR.pdf
– ARTICLE 19, « Iraqi journalists demand protection for their lives, not early graves » (Les journalistes irakiens exigent qu’on les protège, et non qu’on leur prépare leur place au cimetière) : http://tinyurl.com/2hjlc8
– Human Rights First, à propos des réfugiés irakiens : http://tinyurl.com/3c69qn
– Reuters, trousse du cinquième anniversaire de la guerre en Irak : http://iraq.reuters.com/
(25 mars 2008)