(RSF/IFEX) – Ci-dessous, une lettre de RSF au président français, Jacques Chirac, sur les accords UE-ACP, datée du 5 juillet 2000 : Monsieur le Président Jacques Chirac Président de la République Palais de l’Elysée 55, rue du Faubourg-Saint-Honoré 75008 Paris Paris, le 5 juillet 2000 Monsieur le Président, Au moment où vous inaugurez la présidence […]
(RSF/IFEX) – Ci-dessous, une lettre de RSF au président français, Jacques Chirac, sur les accords UE-ACP, datée du 5 juillet 2000 :
Monsieur le Président Jacques Chirac
Président de la République
Palais de l’Elysée
55, rue du Faubourg-Saint-Honoré
75008 Paris
Paris, le 5 juillet 2000
Monsieur le Président,
Au moment où vous inaugurez la présidence française de l’Union européenne (UE), nous souhaiterions attirer votre attention sur la situation de la liberté de la presse dans sept pays signataires de l’Accord de partenariat UE-ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique).
Avec la signature du nouvel accord UE-ACP, à Cotonou (Bénin), le 23 juin 2000, les quinze Etats membres de l’Union européenne et les soixante et onze pays de la zone ACP ont renforcé la « dimension politique » de ce partenariat mis en place par la première Convention de Lomé, en 1975.
Un pays signataire peut être sanctionné, s’il ne respecte pas les engagements contenus dans le nouveau texte, notamment l’article 9, paragraphe 2, qui affirme que « le respect des droits de l’homme, des principes démocratiques et de l’Etat de droit, sur lesquels se fonde le partenariat UE-ACP, inspire les politiques internes et internationales des parties et constitue les éléments essentiels du présent accord ».
Les mécanismes prévus par l’article 96 permettent aux Etats membres de l’Union européenne de « prendre des mesures appropriées » pour contraindre un pays signataire à respecter ses engagements. Le texte précise que des sanctions sont appliquées si « aucune solution acceptable » n’est trouvée par les parties, après une série de « consultations ». La suspension est considérée comme « un dernier recours ».
Ces mesures succèdent à l’article 366 bis (introduit en 1995 dans la version révisée de Lomé IV) qui permettait de sanctionner le non-respect de l’article 5. Celui-ci stipulait que « la politique de développement et la coopération sont étroitement liées au respect et à la jouissance des droits et libertés fondamentales de l’homme, ainsi qu’à la reconnaissance et à l’application des principes démocratiques, à la consolidation de l’Etat de droit et à la bonne gestion des affaires publiques ».
Les autorités européennes ont avant tout utilisé l’article 366 bis pour contraindre un gouvernement issu d’un coup d’Etat, à revenir à l’ordre constitutionnel. Cinq pays signataires de la Convention – le Niger, les Comores, la Guinée Bissau, la Côte d’Ivoire et le Togo – ont fait l’objet d’une telle procédure. Parmi eux, seul le Togo a été effectivement sanctionné pour des violations massives des droits de l’homme.
Aujourd’hui, Reporters sans frontières souhaite attirer votre attention sur la situation de la liberté de la presse dans sept des soixante et onze pays signataires du nouvel accord UE-ACP : l’Angola, le Burkina Faso, l’Ethiopie, la Guinée équatoriale, le Rwanda, la Sierra Leone et la République démocratique du Congo. Les violations répétées des droits de l’homme, et plus particulièrement de la liberté de la presse, qui sont commises dans ces Etats, sont en totale contradiction avec leurs engagements internationaux, notamment l’accord UE-ACP.
En Angola, depuis le début de l’année 2000, six journalistes ont été arrêtés par les services de sécurité. Ceux qui dénoncent la corruption, notamment au sein de l’entourage du président Eduardo Dos Santos, sont harcelés. Au moins dix journalistes se sont vu refuser le droit de quitter leur pays. L’année dernière, le ministre de l’Information avait menacé de « recourir à la violence contre les médias indépendants ».
Au Burkina Faso, plus d’un an après la remise aux autorités du rapport de la Commission d’enquête indépendante sur la mort du journaliste Norbert Zongo, aucune avancée n’a été observée. Les membres de la garde présidentielle suspectés d’avoir assassiné le journaliste n’ont pas été mis en examen et le frère du président de la République, également impliqué dans cette affaire, n’a pas été entendu par le juge d’instruction en charge du dossier. Par ailleurs, en avril dernier, la radio privée Horizon FM a été fermée par les autorités.
En Ethiopie, huit journalistes sont incarcérés, quatre d’entre eux depuis 1997. Des dizaines d’autres sont poursuivis en justice et peuvent être arrêtés du jour au lendemain.
En Guinée équatoriale, le pouvoir empêche l’émergence d’une presse privée. Il n’existe dans ce pays aucune liberté de la presse. L’Etat contrôle la quasi-totalité des informations diffusées.
Au Rwanda, quatre journalistes sont actuellement emprisonnés. L’un d’entre eux a été arrêté en 1994 et n’a jamais été jugé. Le gouvernement a bâillonné la presse privée qui, de ce fait, se trouve contrainte de reprendre l’information officielle.
En République démocratique du Congo, plus de cent vingt journalistes ont été arrêtés depuis l’arrivée au pouvoir de Laurent-Désiré Kabila, en mai 1997. Les neuf services de sécurité qui agissent dans le pays s’acharnent tout particulièrement sur les professionnels de la presse. Les mauvais traitements, les sévices, les tortures se comptent par dizaines.
En Sierra Leone, les journalistes sont d’abord victimes des rebelles du Front révolutionnaire uni (RUF), aujourd’hui exclu du gouvernement. Mais les forces gouvernementales et les soldats étrangers qui les soutiennent ont également commis de graves violations de la liberté de la presse. Aucune enquête n’a été conduite après l’exécution d’un reporter par des soldats de l’Ecomog en 1999. Un éditorialiste réputé est mort en prison après avoir été arrêté par les forces de l’ordre du président Ahmed Tejan Kabbah.
Considérant la gravité de ces différentes atteintes à la liberté de la presse, et en vertu de l’article 96 du nouvel accord de partenariat, nous vous demandons de proposer à l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne d’entamer des consultations avec ces sept pays. Si celles-ci ne débouchaient pas sur une amélioration notable de la situation de la liberté de la presse, il nous semblerait nécessaire de prendre des sanctions.
Je vous remercie de l’attention que vous voudrez bien accorder à notre demande et je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération.
Robert Ménard
Secrétaire général
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Monsieur le Président Jacques Chirac
Président de la République
Palais de l’Elysee
55, rue du Faubourg-Saint-Honoré
75008 Paris, France
Fax: +33 1 47 42 24 65
Page courriel: http://www.elysee.fr/pres/portr_.htm
Envoyer des copies de vos protestations à l’initiateur si possible.