Un journaliste ouzbek qui avait écrit des articles sur des questions de justice sociale et économique, les droits de la personne et la corruption, a été condamné à dix ans de prison sur la foi d’accusations bidon, selon ce que rapportent ARTICLE 19, le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) et d’autres groupes membres […]
Un journaliste ouzbek qui avait écrit des articles sur des questions de justice sociale et économique, les droits de la personne et la corruption, a été condamné à dix ans de prison sur la foi d’accusations bidon, selon ce que rapportent ARTICLE 19, le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) et d’autres groupes membres de l’IFEX. Ironiquement, la lourde peine de prison qui lui a été infligée est survenue quelques jours à peine avant que l’Union européenne (UE) n’ait décidé d’assouplir les sanctions contre l’Ouzbékistan en raison de prétendus progrès réalisés au chapitre des droits de la personne.
Le 10 octobre, Salijon Abdurakhmanov, qu’ARTICLE 19 qualifie de l’« un des rares journalistes indépendants qui restent » au Karakalpakstan, une république autonome d’Ouzbékistan, s’est vu infliger une peine de 10 ans de prison pour possession de drogue en vue de la revente.
En juin, Abdurakhmanov, correspondant du site web de nouvelles « UzNews.net » et reporter pigiste à Radio Free Europe/Radio Liberty, La Voix de l’Amérique et l’Institute for War and Peace Reporting (IWPR), a été arrêté après qu’on eut trouvé 114 grammes de marijuana et cinq grammes d’opium dans le coffre de sa voiture.
Abdurakhmanov affirme que la police a planté la drogue dans le but de faire cesser ses reportages critiques – dans un de ses derniers articles pour UzNews.net, le journaliste avait traité de la corruption policière. Des tests médicaux ont démontré qu’il ne consomme pas de drogue.
« Dans de nombreux pays, les journalistes sont poursuivis parce qu’ils font leur travail, mais dans des pays comme l’Ouzbékistan, les autorités de l’État fabriquent de toutes pièces des chefs d’accusation de crimes ordinaires contre les journalistes. Dans les deux cas, l’objectif est de réduire au silence les voix indépendantes et critiques », dit ARTICLE 19.
Le verdict prononcé contre Abdurakhmanov survient trois jours à peine avant que l’UE n’ait décidé d’assouplir ses sanctions contre l’Ouzbékistan, lors d’une réunion des ministres des Affaires étrangères le 13 octobre.
D’après l’IWPR, une déclaration de l’UE « accueille favorablement les progrès réalisés en Ouzbékistan au cours de la dernière année en ce qui concerne le respect de la règle de droit et la protection des droits de la personne », et donne en exemples positifs la libération l’an dernier de Mutabar Tojibaeva, championne des droits de la personne, et l’abolition de la peine de mort.
L’UE a aussi salué la volonté de Tachkent de discuter des droits de la personne, comme lors d’une conférence sur la liberté des médias à Tachkent, les 2 et 3 octobre.
Mais les groupes de défense des droits invités à la conférence par l’UE, dont Amnistie Internationale et Human Rights Watch et ARTICLE 19, qui sont membres de l’IFEX, ont déclaré que l’événement « ne devait pas être vu comme la preuve de quelque amélioration dans la politique du pays, qui depuis 17 ans réprime la liberté de parole ». Les autorités ont exclu les journalistes indépendants et les reporters étrangers et les ont même empêchés de participer, ont affirmé les groupes.
« Nous pourrions attester directement que l’on n’a rien entendu de nouveau de la part des représentants du gouvernement et des médias contrôlés par l’État qui étaient présents », ont indiqué les groupes de défense des droits dans une déclaration. « Du côté ouzbek, il n’y a aucun indice reconnaissant que les médias du pays ne sont ni libres ni indépendants, que les journalistes et autres sont régulièrement emprisonnés parce qu’ils expriment leurs opinions, que l’accès à des sites internet externes critiques est bloqué et que les journalistes étrangers se voient refuser l’accréditation pour couvrir le pays de l’intérieur. »
L’UE a imposé des sanctions, notamment des interdictions de déplacement signifiées aux hauts dignitaires ouzbeks, après que le président Islam Karimov eut refusé des demandes de tenue d’une enquête internationale indépendante sur le massacre de 2005 à Andijan, où les troupes gouvernementales ont ouvert le feu sur une foule de manifestants, faisant des centaines de morts. Lors de la réunion d’octobre, l’UE a abandonné les sanctions qui restaient contre l’Ouzbékistan, à l’exception d’un embargo sur les armes.
Les groupes internationaux de défense des droits de la personne continuent de demander à l’UE de rétablir sanctions si l’Ouzbékistan n’améliore pas son dossier au chapitre de la libre expression, en mettant fin à la censure d’État et en libérant tous les journalistes emprisonnés à tort.
« Le dossier du gouvernement ouzbek en matière de relations avec l’UE et d’autres institutions internationales démontrent clairement que les discussions sur de possibles réformes ont servi systématiquement de substitut à un progrès réel et mesurable. Elles peuvent n’être rien de plus qu’un leurre destiné à extorquer des concessions sans contrepartie des autorités ouzbeks », préviennent les groupes.
Consulter les sites suivants :
– CPJ : http://tinyurl.com/42v7nz
– ARTICLE 19 : http://tinyurl.com/4pcqe4
– Déclaration des groupes de défense des droits : http://tinyurl.com/4ngnro
– L’IWPR, à propos des sanctions de l’UE : http://tinyurl.com/489anv
(15 octobre 2008)