La réforme adoptée le 5 juillet 2012 prévoit la suspension pour trois ans de toutes les poursuites et condamnations prononcées pour des « délits de presse et d’opinion », dès lors que les accusés risquent un maximum de cinq ans de prison et que les faits ont été commis avant le 31 décembre 2011.
Trois mois après l’adoption de la loi 6352, Reporters sans frontières dresse un bilan d’étape de l’application de cette réforme censée desserrer la pression judiciaire sur les médias.
« Nous nous réjouissons des libérations dont ont enfin pu bénéficier plusieurs journalistes, souvent incarcérés sans jugement depuis des mois voire des années. Néanmoins, force est de constater que le climat judiciaire à l’égard de la presse ne s’est pas amélioré. Des dizaines de journalistes restent emprisonnés et malgré les dispositions de la loi 6352, les décisions de maintien en détention provisoire ne sont guère plus justifiées qu’auparavant. Comme nous le craignions, de nombreuses affaires échappent au champ de la réforme sous prétexte d’accusations de ‘terrorisme’. En outre, de nouvelles poursuites ont été lancées pour des délits d’opinion, auxquelles la loi ne s’applique pas puisqu’elle se limitait aux ‘délits’ commis avant le 31 décembre 2011 », a déclaré l’organisation.
« La loi 6352 constitue un pas en avant. Mais nous le répétons, les réformes à la marge ne suffisent plus, pas plus qu’une éventuelle amnistie générale comme la Turquie en a connu plusieurs. Les libertés publiques ne seront durablement garanties que lorsque la Loi antiterroriste, le Code pénal et le Code des procédures pénales seront débarrassés de la logique répressive qui les imprègne », a conclu l’organisation.
La réforme adoptée le 5 juillet 2012 prévoit la suspension pour trois ans de toutes les poursuites et condamnations prononcées pour des « délits de presse et d’opinion », dès lors que les accusés risquent un maximum de cinq ans de prison et que les faits ont été commis avant le 31 décembre 2011. Si les intéressés ne commettent aucun délit de même nature pendant cette période, leur dossier sera définitivement classé. Dans le cas inverse, l’enquête ou le procès suspendu reprendra son cours. Reporters sans frontières avait souligné que cette procédure plaçait de fait les journalistes en sursis pendant trois ans, pendant lesquels ils étaient contraints au silence ou à l’autocensure.
C’est cette disposition qui vient de s’appliquer au célèbre journaliste Cüneyt Özdemir, chroniqueur du quotidien Radikal et présentateur d’une émission populaire sur CNN Türk, qui risquait de trois mois à deux ans de prison pour « insulte à un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions » (article 125 du code pénal). Le 16 octobre 2012, un tribunal de police d’Istanbul a suspendu pour trois ans les poursuites engagées contre lui pour des tweets critiquant le président de la 14e chambre de la Cour de cassation, Fevzi Elmas. Le journaliste nie être l’auteur des messages incriminés, et affirme que la justice l’a mis en cause sur la seule foi d’un article publié en novembre 2011 sur le site conservateur Star Medya. Cet article l’identifiait comme l’auteur des tweets, qui critiquaient une décision de justice validée par la Cour de cassation dans une affaire d’abus sexuel collectif sur mineure en 2002 à Mardin (est du pays). La justice avait conclu que les 26 accusés avaient agi avec le « consentement » de la victime de 13 ans et leur avaient accordé des circonstances atténuantes, puis la peine avait été suspendue car l’affaire avait fait prescription.
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