La récente arrestation de rédacteurs en chef et la suspension d'une publication indiquent que les autorités togolaises ont recours à des tactiques brutales pour restreindre les médias.
Cet article a été initialement publié sur mfwa.org le 2 mars 2021.
Les journaux Liberté, L’indépendant Express et Le Rendez-vous, ont été sommés de comparaître mercredi 24 février devant le tribunal pour répondre d’une plainte, en lien avec des articles publiés en 2015 sur une supposée affaire de corruption.
Lesdites publications concernaient la construction de la route Lomé-Vogan-Anfoin, au Sud-Est du pays. Selon de bonnes sources qui se sont confiées au correspondant de la MFWA, le dossier serait ressuscité par l’ex-ministre de l’Economie et des Finances, Adji Otteth Ayassor.
Sur les trois directeurs, seuls deux (Médard Amétépé de Liberté et Abi Alpha de Le Rendez-vous) se sont présentés. Carlos Kétohou, dont le récépissé de son journal, L’Indépendant express, a été retiré janvier dernier, ne s’était pas présenté.
Appelés devant le tribunal, les deux prévenus se sont présentés sans leurs avocats en disant qu’ils n’en ont pas. Le juge leur a simplement dit de trouver des avocats et a reporté le procès sur le 24 mars 2021.
Selon les organisations des droits de l’homme et de défense de liberté des médias, cette convocation s’inscrit dans une volonté manifeste des autorités d’asphyxier les médias critiques.
Dans la nuit du 30 décembre 2020, la gendarmerie a arrêté le directeur de publication du journal L’Indépendant Express; Carlos Komlanvi Ketohou devant sa famille. Les forces de l’ordre ont interrogé le journaliste à propos d’un article paru dans son journal dénonçant le vol supposé de cuillères dorées par 4 femmes de l’actuel gouvernement lors d’une réception organisée par une institution financière. Ils ont aussi saisi son téléphone et lui ont obligé de révéler les mots de passe de ses comptes e-mail et des réseaux sociaux.
Le 15 janvier 2021, par la justice togolaise, l’organe de régulation de médias, la Haute Autorité de l’Audiovisuelle et de la Communication (HAAC) a retiré définitivement le récépissé de parution de L’Indépendant Express, fermant effectivement le journal.
Le 3 janvier, 2021, trois journalistes, Charles Kponwadan du site d’information Horizon news, Anani Vidzraku de Radio Victoire et Romuald Lansou de la web télé Togoinfos ont été interpellés par des gendarmes sur l’ordre du préfet du Golfe. Le préfet accusait les journalistes d’avoir interviewé, « sans autorisation », un chef très critique. Le chef, Togbui Dagban-Ayivon IV, venait de sortir d’une audience avec le prefet, ayant été convoqué pour ses dénonciations des dérives du pouvoir.
Le 5 février, 2021, la HAAC a frappé encore. L’instance de régulation a suspendu pour une durée de 4 mois, le bi-hebdomadaire L’Alternative, l’accusant d’avoir diffusé de fausses informations sur le ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Réforme foncière.
Ces derniers temps, la situation au Togo fait état d’une propension du Service Central de Recherches et d’Investigations Criminelles de la gendarmerie nationale (SCRIC) à vouloir appliquer aux journalistes l’article 497 du code pénal, selon une récente sortie du Patronat de la Presse Togolaise (PPT).
Au niveau de la Coalition Togolaise des Défenseurs des Droits Humains (CTDDH), on estime que la liberté d’expression est mise à rude épreuve. Selon le journal en ligne Togobreaking news.com, la coalition qui regroupe 22 organisations de défense des droits humains serait en tractation pour saisir le rapporteur spécial des Nations Unies de ce qu’elle appelle « violence fragrante et volontariste des droits d’expression et d’opinion ces derniers mois au Togo.»
«Nous sommes en train de saisir le rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d’expression », a declare Bonaventure N’Coué Mawuvi, President de la CTDDH.