Les journalistes qui tentent de couvrir le second tour de l’élection présidentielle au Zimbabwe, qui se déroule dans la violence, se heurtent à la répression la plus dure qu’ils aient jamais connue, selon ce qu’indiquent des vétérans reporters au Comité pour la protection des journalistes dans un nouveau rapport rendu public le 23 juin 2008 […]
Les journalistes qui tentent de couvrir le second tour de l’élection présidentielle au Zimbabwe, qui se déroule dans la violence, se heurtent à la répression la plus dure qu’ils aient jamais connue, selon ce qu’indiquent des vétérans reporters au Comité pour la protection des journalistes dans un nouveau rapport rendu public le 23 juin 2008 et intitulé « Bad to Worse in Zimbabwe » (De mal en pis au Zimbabwe).
La veille, le 22 juin, le candidat de l’opposition, Morgan Tsvangirai, du Mouvement pour le changement démocratique (MDC) s’est retiré de la course, disant qu’il ne pouvait demander à ses partisans de voter lorsque « ce vote pouvait leur coûter la vie ».
Le président Robert Mugabe et son gouvernement invoquent des lois obsolètes, recourent à des accusations inventées de toutes pièces et à des mesures de représailles pour détenir au moins 15 journalistes, intimider les sources et empêcher la couverture indépendante de l’information, dit le rapport du CPJ. Le coordonnateur du CPJ Tom Rhodes rapporte que tous les genres de travailleurs des médias sont ciblés, en particulier dans les zones rurales secouées la violence des militants favorables au gouvernement. « Pour les journalistes, c’est le pire moment de l’histoire du Zimbabwe », a déclaré à Rhodes le reporter zimbabwéen en exil Geoff Hill.
En dépit de l’intimidation et des menaces auxquelles est exposée la presse indépendante, les journalistes citoyens contribuent à trouver les nouvelles; l’hebdomadaire « The Zimbabwean », imprimé en Afrique du Sud, a vendu récemment 200 000 exemplaires, un record. Cependant, le gouvernement Mugabe a supprimé 60 000 exemplaires de son numéro du 19 juin, et a interdit le 22 juin la distribution des journaux du dimanche en provenance d’Afrique du Sud. D’après le Réseau Africain pour la presse du XXIe siècle (RAP 21), un nouveau règlement pourrait pousser ces journaux à la faillite parce que « les journaux, revues, magazines et périodiques étrangers sont maintenant, ironiquement, classés au rang des produits de luxe ». Le 24 mai, 60 000 exemplaires du journal « The Zimbabwean on Sunday » ont été brûlés, rapporte Reporters sans frontières (RSF).
La « pesante censure » du gouvernement a poussé le Comité mondial pour la liberté de la presse (WPFC) à prier la communauté internationale d’ostraciser le Zimbabwe. Les Nations Unies et les organisations régionales africaines régionales doivent suspendre le pays parce qu’il viole ouvertement la Déclaration universelle des droits de l’homme, dit le WPFC.
C’est à une évaluation similaire qu’est parvenue une mission d’enquête composée de groupes comprenant le bureau africain de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), l’Institut des médias d’Afrique australe (Media Institute of Southern Africa, MISA) et le Réseau des Organisations africaines de défense de la liberté d’expression (Network of African Freedom of Expression Organisations, NAFEO), et qui se trouvait sur place au Zimbabwe du 8 au 13 juin.
La mission « fait part de sa stupeur devant le niveau de peur qui a envahi les médias du Zimbabwe et la société dans son ensemble. La mission s’est entretenue avec des journalistes qui ont été arrêtés sur la foi d’accusations peu solides, tabassés et dépouillés par confiscation de leurs biens qui, dans certains cas, ont été détruits. Les journalistes travaillent dans la peur constante d’être enlevés, arrêtés, détenus ou tabassés parce qu’ils font leur travail. »
On se sert de lois comme la Loi sur la sécurité et l’ordre public et la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée pour restreindre le champ d’opération des journalistes, ajoute la déclaration. Les journalistes non titulaires d’un permis doivent tous les jours éviter d’être arrêtés, tandis que ceux qui sont dotés d’un permis n’osent pas sortir des centre-villes par crainte des agents de sécurité et des milices. « L’effet combiné, c’est que les Zimbabwéens en général n’ont pas accès à l’information concernant l’élection pouvant les habiliter à faire des choix informés. »
La couverture médiatique de la campagne du second tour de l’élection présidentielle prévue le 27 juin a été « tendancieuse », constate le MISA-Zimbabwe, qui mentionne surtout les médias d’État et en particulier la Zimbabwe Broadcasting Corporation (ZBC).
« Le harcèlement des journalistes dans les médias d’État vise à inculquer la peur et une loyauté inconditionnelle », note la mission. Tout en félicitant les journalistes et les journaux indépendants qui continuent de travailler et qui tentent d’obtenir les deux côtés de chaque histoire, la mission conclut que, dans ces circonstances, il ne peut se faire aucun travail de médias approprié et professionnel qui permette la tenue d’élections juste et libres.
« Le radiodiffuseur d’État a, sans le moindre doute, échoué lamentablement et d’une manière éhontée face à ses obligations d’accorder un accès égal et équitable à la radio et à la télévision à tous les partis en lice », dit le MISA-Zimbabwe. La seule couverture accordée à l’opposition du MDC dans les médias d’État a été « la calomnie par des reportages, des documentaires et des articles d’opinion de chroniqueurs ».
Le harcèlement, les arrestations et les menaces aux défenseurs des droits de la personne, y compris aux avocats qui représentent les médias et qui se spécialisent dans les droits de la personne, enveniment la situation. Des juristes représentant des médias ont été arrêtés, tandis que d’autres ont fui le Zimbabwe parce qu’ils craignaient pour leur vie.
Le 8 juin, la police de la province de Matabelel et du Nord a arrêté et détenu trois employés du Projet de surveillance des médias du Zimbabwe (Media Monitoring Project of Zimbabwe, MMPZ), et les a accusés de tenir un rassemblement public sans autorisation préalable de la police, indique le MISA. Ils ont été relâchés trois jours plus tard.
Le 2 juin, trois travailleurs de médias sud-africains, arrêtés dix jours plus tôt dans un barrage routier de la police avec de l’équipement identifié à la station de télévision britannique Sky News, ont été condamnés à six mois de prison. Sky News est une chaîne distribuée par câble et par satellite et figure au nombre des organisations de nouvelles étrangères interdites de reportage au Zimbabwe.
Le 29 mai, le Comité des écrivains en prison du PEN International (WiPC) rapportait que les membres de la distribution, ainsi que toute l’équipe technique de la pièce satirique « The Crocodile of Zambezi » ont été attaqués et que la pièce a été interdite par la police de Bulawayo.
Consulter les sites suivants :
– Dossier spécial du CPJ : http://tinyurl.com/3kjd5x
– Comité mondial pour la liberté de la presse : http://tinyurl.com/4bflva
– RSF, à propos du « Zimbabwean » : http://tinyurl.com/576a2u
– Rap21, La « « presse étrangère hostile » » est classée comme « produit de luxe » au Zimbabwe » : http://www.rap21.org/article19723.html
– MISA: http://www.misa.org/
– Arrestation des membres du MMPZ : http://tinyurl.com/3qyce4
– Mission d’enquête : http://tinyurl.com/42lb6g
– Site web de défense des droits civiques et des droits de la personne : http://www.kubatana.net
– PEN International : http://tinyurl.com/49662y
– Les journalistes zimbabwéens en exil condamnent la violence : http://tinyurl.com/4fp6fr
– Les journalistes sentent la pression, rapporte un bureau de l’ONU : http://tinyurl.com/42mnav
(24 juin 2008)