De nombreux actes de censure se sont produits à l'occasion de la tenue de la 23ème session des Journées cinématographiques de Carthage.
(OLPEC/IFEX) – Le 28 octobre 2010 – L’Observatoire pour la liberté de presse, d’édition et de création (OLPEC) a été saisi de nombreux actes de censure qui se sont produits à l’occasion de la tenue de la 23ème session des Journées cinématographiques de Carthage (JCC) qui se déroule du 23 au 31 octobre 2010 dans la capitale tunisienne.
C’est ainsi que deux films ont été éliminés de la compétition:
• Le film documentaire du réalisateur tunisien Mohamed Zran intitulé « Zarzis Vivre ici » a été exclu de la compétition des documentaires par la direction du festival sans raison.
• Le court métrage de Nasreddine Sehili, « Bled du Chak Wak » qui traite, sur le mode de la dérision, du fanatisme religieux a été également éliminé de la programmation officielle avant que la direction des JCC ne cède sous la pression et le reprogramme, mais cette fois en marge du festival, tout en l’excluant de la compétition des courts métrages. Cependant, la projection du film programmée le vendredi 22 octobre au « Cinemafricart » a été annulée par les autorités ; Motif invoqué: il n’a pas reçu l’autorisation du ministère de l’Intérieur ! Rappelons que le réalisateur Nasreddine Sehili a déjà été victime de la censure en 2008 pour son film « Boutellis ».
Durant les JCC la censure n’a pas touché uniquement les productions cinématographiques, mais également les espaces culturels indépendants.
Fait sans précédant, les espaces culturels privés El Teatro, et El Hamra, connus pour leur indépendance vis-à-vis des autorités, ont été exclus de la programmation des projections par des moyens détournés.
S’agissant d’El Hamra, son directeur, Ezzedine Gannoun, a ouvertement critiqué la direction du JCC pour l’exclusion de son espace des projections cinématographiques. Cinq jours plus tard, il a été surpris de voir apparaitre son espace dans le calendrier des projections le 30 octobre sans en avoir été averti au préalable ! Le choix de la date n’est pas fortuit, il coïncide avec la présentation à Ouagadougou en Burkina-Faso d’une pièce de théâtre produite par El Hamra et toute l’équipe doit s’y rendre ; l’espace est donc fermé !
Par ailleurs, le ministère de la Culture a renforcé son contrôle sur le secteur du théâtre par le biais de l’attribution des cartes professionnelles.
Le comité d’attribution de cartes professionnelle pour les métiers d’arts dramatiques au sein du ministère accorde une représentativité toute symbolique au syndicat des métiers d’arts dramatiques (un seul membre y siège), le ministère de la Culture a la haute main sur ce comité, et les décisions finales sont du ressort du seul Ministre.
Les risques de discrimination contre les artistes indépendants ou dissidents sont biens réels, comme les attributions complaisantes. Ainsi Jawhar El Basti, fils du ministre de la Culture a obtenu sa carte professionnelle (immatriculée 548), malgré l’opposition du comité lors de sa dernière session du fait qu’il ne remplissait pas les conditions.
Cette situation alimente la crainte chez les artistes de se voir dénier la carte professionnelle qui ouvre droit à l’exercice effectif du métier, comme cela a été le cas avec le comité d’attribution des cartes de journalistes professionnels, renforçant ainsi l’autocensure, ce qui aurait pour effet de paralyser la créativité dans le secteur et d’empêcher les artistes de s’exprimer librement.
L’OLPEC :
• condamne ces pratiques de censure et les considère comme des atteintes graves à la liberté de création et d’expression des artistes ;
• appelle la direction des JCC et le ministère de la Culture à respecter la liberté des artistes, à observer une stricte neutralité dans l’organisation de leur vie professionnelle, à bannir les pratiques discriminatoires contre les artistes tout autant que les espaces culturels et à respecter leur indépendance.