(RSF/IFEX) – Dans une lettre adressée au Premier ministre turc, Bülent Ecevit, RSF s’est inquiété du vote prochain au parlement de nouvelles dispositions amendant dans un sens restrictif la loi sur le Haut Conseil de l’Audiovisuel (RTÜK). « Le vote de ces nouvelles dispositions prépare de toute évidence un renforcement du contrôle du pouvoir sur les […]
(RSF/IFEX) – Dans une lettre adressée au Premier ministre turc, Bülent Ecevit, RSF s’est inquiété du vote prochain au parlement de nouvelles dispositions amendant dans un sens restrictif la loi sur le Haut Conseil de l’Audiovisuel (RTÜK).
« Le vote de ces nouvelles dispositions prépare de toute évidence un renforcement du contrôle du pouvoir sur les médias », a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de l’organisation. « Nous vous demandons d’intervenir personnellement pour que ces dispositions ne soient pas adoptées avant qu’un débat plus approfondi puisse intervenir sur leurs motivations », a ajouté Ménard dans sa lettre au chef du gouvernement. RSF a également protesté contre les nombreuses sanctions prononcées à l’encontre des médias électroniques.
D’après les informations recueillies par RSF, le projet de loi qui devrait être examiné cette semaine pour amender la loi sur le Haut Conseil de l’Audiovisuel (RTÜK) avait été présenté pour la première fois il y a un an, puis abandonné. Il vient d’être repris et adopté
par la Commission constitutionnelle du parlement, le 17 mai 2001, avant d’être soumis au vote des députés.
Première réforme du fonctionnement du RTÜK depuis sa création en avril 1994 (loi 3984), ce projet de loi aggrave encore les aspects les plus attentatoires à la liberté de l’information de ce dispositif :
– la composition du Conseil (jusqu’à présent cinq représentants de la majorité et quatre de l’opposition) se voit modifiée en faveur du pouvoir. Désormais seront représentés le Haut Conseil de l’enseignement (YÖK), contrôlé par l’État, et le Conseil National de Sécurité (MGK), présidé par le Chef de l’État et dans lequel siègent les hauts responsables militaires, le premier ministre et des membres du gouvernement (nouvelle composition : cinq personnalités élues par le Parlement, et quatre désignées par le Conseil des ministres, dont deux parmi les candidats proposés par le YÖK, un parmi ceux proposés par le MGK, et un parmi ceux proposés par l’Association des Journalistes de Turquie (TGC) et le Conseil de la presse). La représentation des deux grandes organisations de presse ne saurait contrebalancer le renforcement évident de la mainmise du pouvoir sur le RTÜK.
– les compétences du RTÜK se voient modifiées, le projet renforçant son rôle de véritable police des médias. Le Conseil de l’audiovisuel voit élargie la palette de sanctions dont il dispose contre les stations de radios et les chaînes de télévision : avertissement, amendes, censure de certaines émissions, et suspension du média. Les amendes prévues pour infraction voient leur montant multiplié par 1000 en moyenne, bien au delà du rythme de l’inflation. Les responsables de médias qui continueraient à émettre malgré l’interdiction du RTÜK, seront passibles de six mois à deux ans de prison, et de très fortes amendes. L’insulte et la diffamation se verraient sanctionnées d’une amende minimale de 10 milliards de LT (environ 9 000 $US; 10 000 euros). La planification des fréquences est confiée à un autre organe, le Conseil des télécommunications.
– Le RTÜK voit son champ d’intervention élargi au contrôle de l’Internet, notamment sur les portails d’information sur le réseau. Les insultes par courrier électronique sont passibles de poursuites pénales.
Enfin, de l’avis de nombreux observateurs, les dispositions du projet relatives aux règles de propriété des médias risquent d’accentuer la concentration du paysage médiatique en Turquie.
Ce projet de durcissement de la législation relative à l’audiovisuel intervient dans un contexte toujours difficile pour la liberté de la presse en Turquie. Le nombre des sanctions décidées par le RTÜK reste extrêmement élevé (au total 4 500 jours de suspension d’émissions infligées aux radios et télévisions en 2000). Lors de sa dernière réunion du 16 mai, neuf radios locales et quatre chaînes de télévisions ont encore été condamnées à un total de 392 jours de suspension d’émission. Cinq journalistes sont actuellement emprisonnés en Turquie pour leurs opinions ou dans l’exercice de leur profession : Asiye Zeybek Güzel, Nureddin Sirin, Hasan Özgün, Kemal Evcimen et Mustafa Benli. Trois d’entre eux ont été condamnés à des peines allant de douze ans et six mois à dix-sept ans et six mois de prison pour « appartenance à une organisation illégale ». Les deux autres n’ont toujours pas été jugés.