La FPJQ estime qu'il aurait été nécessaire d'aller plus loin pour protéger les sources confidentielles des journalistes.
(FPJQ/IFEX) – Le 22 octobre 2010 – La Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) trouve plusieurs motifs à satisfaction dans le jugement d’aujourd’hui de la Cour suprême dans l’affaire Globe & Mail contre Polygone mais estime qu’il aurait été nécessaire d’aller plus loin pour protéger les sources confidentielles des journalistes.
Le jugement annule deux décisions aberrantes du juge de Grandpré de la Cour Supérieure du Québec et renvoie cette Cour refaire ses devoirs en lui intimant d’appliquer de manière plus attentive le test de Wigmore. Ce test pose différentes questions dont le résultat permet de déterminer si un journaliste doit dévoiler l’identité d’une source confidentielle.
Le jugement a ceci de bon que le journaliste Daniel Leblanc du Globe & Mail n’est pas obligé pour l’instant de révéler l’identité de MaChouette, sa source confidentielle qui a permis de lever le voile sur le scandale des commandites. La décision étend également à l’ensemble du droit canadien, civil et criminel, common law et code civil, les mêmes règles de droit applicables à la protection des sources.
Par les clauses interprétatives du jugement, on rend plus complexe le travail des avocats qui voudraient se lancer dans une partie de pêche pour identifier les sources des journalistes.
Par contre, le jugement ferme complètement la porte à une reconnaissance constitutionnelle ou générique de la protection des sources journalistiques. Rien dans les chartes canadienne ou québécoise n’assure une telle protection, affirme la Cour. Rien ne permet non plus de garantir une telle protection générique à un groupe aussi « hétérogène et mal défini » que les journalistes.
La Cour réaffirme donc le statu quo de l’approche cas par cas et de l’arbitrage entre des droits concurrents.
La FPJQ estime nécessaire une position plus forte en faveur de la protection des sources. La règle devrait être que les sources confidentielles sont protégées, avec quelques exceptions bien balisées en remplacement de la règle actuelle où les journalistes doivent témoigner à moins que. . .
Certains pays, comme la Belgique, ont adopté une telle approche plus positive, faisant de la protection des sources confidentielles des journalistes une règle forte et claire, assortie d’un minimum d’exceptions.
Un tel régime est plus favorable aux sources. Il ne faut pas oublier que ce ne sont pas les journalistes qu’on veut protéger, mais leurs sources, qui fournissent une information d’intérêt public. Des sources qui ne savent pas si elles peuvent parler en toute confiance à un journaliste se montreront réticentes à le faire. Dans la période actuelle de contrôle excessif de l’information par diverses autorités, c’est l’information du public qui en pâtira.
Le jugement de la Cour suprême est rassurant jusqu’à un certain point. Les journalistes peuvent raisonnablement promettre la confidentialité à leurs sources, mais ils restent dans l’ignorance des conditions dans lesquelles les tribunaux pourraient les forcer à révéler leur identité.
La Cour renvoie aussi aux journalistes un reflet sans complaisance de leur situation professionnelle. Tant que le groupe des journalistes sera aussi peu clairement défini, comme la Cour le constate, il est illusoire de revendiquer pour eux des droits particuliers.
Les médias et les journalistes devront continuer à faire preuve de vigilance pour contester toutes les futures interprétations abusives que des cours pourraient faire du test de Wigmore.