Accusée de “propagande contre l’Etat”, Pham Doan Trang risque vingt ans de prison. Deux mois après son arrestation, RSF diffuse une vidéo dans laquelle journalistes, blogueurs et amis de Pham Doan Trang expriment leur solidarité avec elle.
Deux mois après son arrestation, Reporters sans frontières (RSF) lance la campagne #FreePhamDoanTrang, en organisant la mobilisation de la diaspora vietnamienne en faveur de la journaliste, et en lançant une pétition pour exiger sa libération.
Accusée de “propagande contre l’Etat”, Pham Doan Trang risque vingt ans de prison. La cofondatrice des sites d’information Luat Kuoa et TheVietnamese, a été interpellée à son domicile d’Hô-Chi-Minh-Ville, dans la nuit du 6 au 7 octobre dernier. Deux mois plus tard, RSF diffuse une vidéo dans laquelle journalistes, blogueurs et amis de Pham Doan Trang expriment leur solidarité avec elle.
Basés en Allemagne, aux Etats-Unis, en France ou à Taïwan, ils profitent de leur exil pour dire tout haut ce que leurs compatriotes restés au pays ne peuvent exprimer ouvertement, à moins de risquer d’être condamnés à de lourdes peines de prison.
Afin d’éviter qu’elle soit elle-même condamnée en mettant la pression sur le gouvernement vietnamien, RSF lance une pétition exigeant la libération immédiate et inconditionnelle de la journaliste, lauréate du prix RSF de l’impact en 2019.
“Par son courage et sa générosité, Pham Doan Trang est un symbole de la lutte pour une information fiable et indépendante à destination des citoyens vietnamiens, note le responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF, Daniel Bastard. Signer la pétition demandant sa libération, c’est s’engager en faveur de la liberté de la presse dans un pays où tous les médias sont strictement contrôlés par le bureau de la propagande du parti communiste. C’est, aussi, faire montre de sa solidarité avec la société civile vietnamienne, en pleine ébullition malgré la censure étatique.”
Détermination, énergie et sacrifices
RSF a recueilli le témoignage des proches de la journalistes, comme son amie Nguyen Ngoc Anh, basée aujourd’hui en France : “Je soutiens Pham Doan Trang non seulement au nom d’une vieille amitié – nous étions au lycées ensemble -, mais surtout parce que je respecte par dessus tout sa détermination, son énergie et les grands sacrifices qu’elle a acceptés pour écrire des articles de journaux, publier des livres et apporter des connaissances au plus grand nombre.”
Selon le journaliste Trinh Huu Long, qui a cofondé avec Pham Doan Trang l’organisation Initiatives juridiques pour le Vietnam (LIV), ainsi que les journaux Luat Khoa et TheVietnamese, “dans l’histoire du Vietnam contemporain, de 1975 à maintenant, Doan Trang est l’une des journalistes qui a le plus d’impact, l’une des activistes les plus efficaces et l’une des personnes les plus courageuses de notre pays.”
“Pham Doan Trang est une intellectuelle très attachée à son pays, note le blogueur Nguyen Van Dai, aujourd’hui exilé en Allemagne après avoir été condamné à quinze ans de prison en avril 2018. Son travail est suivi de près par de nombreux activistes vietnamiens à l’intérieur du pays comme à l’étranger. Elle joue un rôle fondamental pour promouvoir les droits humains et encourager l’éveil politique de ses concitoyens.”
Insulte contre l’idée d’humanité
Elle aussi condamnée à neuf ans de prison, avant d’être forcée à l’exil aux Etats-Unis, la blogueuse Tranh Thi Nga a, comme Pham Doan Trang, été victime de tabassage par des nervis au service du parti communiste vietnamien : “Comme moi, elle a été durement frappée aux jambes, au point de provoquer fractures et lésions persistantes. Et voilà que le gouvernement utilise une loi particulièrement floue pour maintenir Pham Doan Trang en prison. Cela constitue une grave atteinte aux droits de l’homme, et une insulte contre la moralité et l’idée même d’humanité.”
Depuis Berlin, le rédacteur en chef du portail d’information ThoiBao.de, Lê Trung Khoa, rappelle enfin que “Pham Doan Trang s’est contentée de faire usage de sa liberté d’expression, un droit garanti par la constitution de la République socialiste du Vietnam. Les raisons avancées par le régime de Hanoï pour légitimer son arrestation sont extrêmement vagues et vont à l’encontre de l’Etat de droit. C’est pourquoi elle doit être libérée immédiatement.”
Le Vietnam stagne depuis des années dans les limbes du Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2020, à la 175e place sur 180 pays.