Le nouveau gouvernement de la Thaïlande intensifie son emploi de la disposition pénale sur le crime de lèse-majesté pour harceler les journalistes et étouffer la libre expression, ce qui a mené au moins un écrivain à prendre le chemin de l’exil, rapportent l’Alliance de la presse de l’Asie du Sud-Est (Southeast Asian Press Alliance, SEAPA), […]
Le nouveau gouvernement de la Thaïlande intensifie son emploi de la disposition pénale sur le crime de lèse-majesté pour harceler les journalistes et étouffer la libre expression, ce qui a mené au moins un écrivain à prendre le chemin de l’exil, rapportent l’Alliance de la presse de l’Asie du Sud-Est (Southeast Asian Press Alliance, SEAPA), le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) et d’autres groupes membres de l’IFEX.
L’écrivain politique et professeur d’université Ji Ungpakorn a fui la Thaïlande et s’est rendu au Royaume-Uni lors du dernier week-end par crainte de ne pas avoir un procès équitable où il doit répondre aux accusations de lèse-majesté portées contre lui, disent la SEAPA et le CPJ.
Ungpakorn, qui détient la double citoyenneté, a été inculpé d’avoir diffamé la monarchie dans son ouvrage intitulé « Un Coup pour les riches », publié en 2006, dans lequel il critiquait le coup d’État militaire organisé la même année par le général Sonthi Boonyaratkalin.
L’accusation de lèse-majesté, qui peut être utilisée contre quiconque diffame, insulte ou menace la monarchie, est passible, en cas de culpabilité, d’une peine de trois à quinze ans de prison.
D’après la SEAPA, peu avant de partir de Thaïlande, Ungpakorn a affiché sur Internet une lettre cinglante appelant à plus de liberté d’expression en Thaïlande.
« Nous avons besoin de la liberté d’expression. La liberté de choisir un gouvernement que veut la majorité, sans répression, sans peur ni menaces », peut-on lire dans son manifeste.
Dans un autre affaire, l’écrivain australien Harry Nicolaides a été condamné le 19 janvier à trois ans de prison pour lèse-majesté. Nicolaides avait fait brièvement référence à la monarchie dans son roman qui se déroule en Thaïlande, et il est détenu depuis le 31 août 2008 à Bangkok.
À la suite de cette accusation, le gouvernement a interdit un article, paru dans le magazine « The Economist » de Londres, portant sur l’affaire de Nicolaides et sur l’emploi, par le parti au pouvoir, de la loi sur le crime de lèse-majesté. L’article remarquait qu’« une réaction était en train de mûrir, cependant, et pas uniquement dans les milieux informés de Bangkok. Selon le cliché, la vénération publique du roi Bhumibol, qui est âgé de 81 ans, est authentique et profondément ressentie. Il n’en est pas de même, de loin, en ce qui concerne son successeur éventuel, le prince héritier Vajiralongkorn. »
Cette semaine, RSF a organisé une cyber-manifestation à l’extérieur d’une version virtuelle du Palais royal de Bangkok pour exiger la libération de Nicolaides : http://www.rsf.org/freeharry/index.php?id=1
Le correspondant Jonathan Head, de la BBC, doit répondre à trois chefs d’accusation de lèse-majesté pour des articles et des commentaires formulés en public au Club des Correspondants étrangers de Thaïlande, à Bangkok.
Selon RSF, le délit de lèse-majesté a valu la prison à une centaine de personnes environ. RSF en appelle directement au Roi Bhumibol Adulyadej et lui demande de réformer la loi.
La loi a déjà servi à fermer 2 300 sites web, et le nouveau gouvernement cherche à censurer au moins 4 000 autres sites, précise le CPJ. D’après la BBC, le gouvernement a même créé un site web spécial appelé protecttheking.net, sur lequel il presse les gens d’afficher leur loyauté et de rapporter quiconque critique la monarchie. Il a aussi créé un centre de sécurité de l’Internet afin de coordonner le blocage des sites web réputés offensants pour la monarchie.
Le site a réussi à bloquer 4 818 sites web dès ses 24 premières heures de fonctionnement, dit la BBC. Des sources au sein de l’armée ont dit à la BBC que la haute gomme des généraux s’inquiète de la croissance du sentiment antimonarchique, en particulier chez les partisans du premier ministre déchu Thaksin Shinawatra. Un grand nombre des partisans de Thaksin croient que certains membres de la famille royale appuient les mouvements anti-Thaksin.
Le climat médiatique en Thaïlande se détériore rapidement sous le gouvernement du nouveau premier ministre Abhisit Vejjajiva. En plus des accusations de lèse-majesté et de la censure de milliers de sites web, le gouvernement a menacé de poursuites judiciaires les stations de radio communautaire considérées comme critiques à l’égard des autorités, disent les membres de l’IFEX.
Consulter les sites suivants :
– SEAPA : http://tinyurl.com/b6sysa
– CPJ : http://tinyurl.com/bsfefy
– RSF : http://www.rsf.org/article.php3?id_article=30119
– Rapport de RSF, « Censure et emprisonnement : Les abus du crime de lèse-majesté en Thaïlande » : http://www.rsf.org/IMG/pdf/rapport_fr_ok.pdf
– Page de l’IFEX sur la Thaïlande : http://tinyurl.com/4t27f8
– The Economist, « The trouble with Harry », à http://tinyurl.com/cl522e
– BBC : http://news.bbc.co.uk/2/hi/asia-pacific/7871748.stm
– Liberté contre la censure-Thaïlande (Freedom Against Censorship Thailand, FACT) ‘ Comment contourner les censeurs : http://tinyurl.com/chzgba
(Photo du Roi de Thaïlande, courtoisie de RSF.)
(11 février 2009)