Trois ans après que des civils eurent été tués par les forces de sécurité ouzbeks dans la ville d’Andijan, en Ouzbékistan, le gouvernement continue de persécuter les journalistes, les militants et les défenseurs des droits de la personne qui ont dénoncé le massacre, indiquent le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) et Human Rights […]
Trois ans après que des civils eurent été tués par les forces de sécurité ouzbeks dans la ville d’Andijan, en Ouzbékistan, le gouvernement continue de persécuter les journalistes, les militants et les défenseurs des droits de la personne qui ont dénoncé le massacre, indiquent le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) et Human Rights Watch.
D’après le CPJ, cinq journalistes sont toujours incarcérés à cause de leur couverture des événements d’Andijan. Ils purgent des peines qui vont de cinq à quinze ans de prison pour des « accusations bidon » – qui vont du détournement de fonds à la participation à des activités anticonstitutionnelles.
Un de ces journalistes est le neveu du président, Dzamshid Karimov. Karimov, ancien correspondant de l’Institute for War and Peace Reporting (IWPR), a disparu en septembre 2006, pour être retrouvé dans hôpital psychiatrique de Samarkand. Il est toujours détenu au secret.
D’autres reporters – et leurs familles – sont soumis au harcèlement et à la surveillance par les services de sécurité, leurs mouvements et leur capacité de pratiquer le journalisme sont entravés. D’après le CPJ, les autorités ont fait circuler une liste « non officielle » de sujets à propos desquels les médias sont interdits de parler – depuis le massacre et les autres violations des droits de la personne, jusqu’aux activités du président et des partis d’opposition.
Des dizaines de journalistes et de militants ont fui le pays par crainte pour leur sécurité. Plusieurs réfugiés qui sont rentrés en Ouzbékistan – pour fuir de nouveau – ont déclaré à Human Rights Watch qu’ils avaient été soumis à des interrogatoires répétés à leur retour, et contraints de signer de faux aveux ou des déclarations d’appui à la version gouvernementale sur les événements de mai 2005. Le Kirghizistan, le Kazakhstan, l’Ukraine et la Russie font tous fi de leurs obligations internationales et renvoient par la force vers l’Ouzbékistan les réfugiés et demandeurs d’asile, souvent à la demande de Tachkent.
Par ailleurs, les journalistes étrangers se sont vu révoquer leur accréditation et ont été expulsés du pays. En 2007, au moins deux correspondants de l’agence de nouvelles allemande « Deutsche Welle » ont été contraints de quitter l’Ouzbékistan après avoir subi le harcèlement de la police fiscale et des procureurs de Tachkent, fait remarquer le CPJ.
La poignée de journalistes locaux indépendants qui est restée en Ouzbékistan ne rapporte plus la nouvelle que de manière clandestine; la plupart le font sous un pseudonyme, dit le CPJ. Les restrictions ont « à peu près éliminé la presse indépendante dans le pays », ont indiqué au CPJ des journalistes régional et des experts des médias.
Le massacre d’Andijan est survenu il y a trois ans, le 13 mai 2005, lorsque les troupes gouvernementales ont tiré au hasard et abattu des centaines de civils qui protestaient contre le régime du président Karimov. En dépit des appels à une enquête indépendante sur les événements du 13 mai, le gouvernement ouzbek a refusé de permettre la tenue d’une enquête et ne tient personne responsable du massacre.
La championne des droits de la personne Mutabar Tojibaeva, qui purge actuellement une peine de huit ans de prison à cause des critiques acerbes qu’elle adresse au gouvernement depuis le massacre, a été retenue pour recevoir le Prix Martin Ennals pour les défenseurs des droits de l’homme de cette année. Ce prix est décerné par Human Rights Watch et neuf autres importantes organisations de défense des droits de la personne.
En octobre 2005, Tojibaeva a été arrêtée chez elle tandis qu’elle s’apprêtait à se rendre en Irlande participer à une conférence sur les droits de la personne. Elle a été inculpée de 17 chefs d’activité criminelle, dont diffamation, extorsion, évasion fiscale, pollution de l’environnement et appartenance à une organisation illégale – à savoir sa propre ONG non enregistrée. Pourtant, en dépit de la menace d’un long séjour en prison, Tojibaeva conserve une attitude de défi et a déclaré au tribunal : « Je ne regrette pas mes activités et je vais les poursuivre peu importe le verdict. »
Tojibaeva a appris récemment qu’elle était atteinte d’un cancer et sa santé se détériore. Le jury du prix Martin-Ennals demande sa remise en liberté immédiate.
Human Rights Watch presse les États-Unis et l’UE d’agir sans délai pour mettre fin à la répression en Ouzbékistan. La libération des défenseurs des droits de la personne figure parmi les critères établis par l’UE pour revoir les sanctions qu’elle a imposées à Tachkent en octobre 2005, à la suite du massacre d’Andijan. Au cours des deux dernières années, l’UE a atténué graduellement les sanctions, qui consistent essentiellement en un embargo sur les armes et un interdit de délivrance de visas aux responsables du gouvernement, en dépit de l’attitude persistante de défi que manifeste le gouvernement ouzbek, qui refuse de se conformer aux critères. Le 29 avril, l’UE a, pour la deuxième fois d’affilée, suspendu pour six mois l’interdit de délivrance de visas.
Consulter les sites suivants :
– CPJ : http://tinyurl.com/4djk2e
– Human Rights Watch : http://tinyurl.com/6e3u8r
– Dossier de Human Rights Watch, « Saving its Secrets: Government Repression in Andijan » (Préservation de secrets : La répression gouvernementale à Andijan) : http://hrw.org/reports/2008/uzbekistan0508/
– Prix Martin-Ennals : http://www.martinennalsaward.org/
(20 mai 2008)