Trois journalistes, Charles Kponwadan, Anani Vidzraku et Romuald Lansou, ont été interpellés pour avoir interviewé, « sans autorisation », un chef très critique.
Cet article a été initialement publié sur mfwa.org le 17 février 2021.
Trois journalistes, Charles Kponwadan du site d’information Horizon news, Anani Vidzraku de Radio Victoire et Romuald Lansou de la web télé Togoinfos, ont été interpellés le 3 février 2021 et embarqués manu militari dans les locaux de la préfecture du Golfe par des gendarmes pour avoir interviewé, « sans autorisation », un chef très critique.
Ils avaient interviewé Togbui Dagban-Ayivon IV, chef du quartier d’Adakpamé (Sud-Est de Lomé) à sa sortie d’une audience avec le préfet du Golfe, Komlan Agbotsè. Togbui Dagban-Ayivon IV, très fréquent sur les radios privés pour dénoncer toutes les dérives du pouvoir, venait de sortir d’une audience suite à la convocation du préfet.
Le préfet a fait appel à un gendarme en faction dans l’enceinte de la préfecture qui a interpellé les journalistes avant de les conduire à la salle d’attente. Le garde de corps du Préfet Agbotsè a alors, arraché les matériels de travail des trois journalistes ainsi que leurs téléphones portables. Les enregistrements ont été également effacés.
Puis, le préfet a fait appel à la gendarmerie territoriale, à quelques mètres de la préfecture, dont les agents sont venus embarqués les journalistes jusqu’à Lomé. Les journalistes ont été conduits à la Brigade territoriale de la gendarmerie nationale dans la capitale, Lomé, où ils ont subi trois heures d’interrogatoire avant d’être relâchés.
L’ensembles des principales organisations de médias au Togo dénoncent l’interpellation de tois journalistes. Pour les organisations des médias, notamment, L’OTM, le CONAPP, le PPT, l’ATOPPEL, l’URATEL, l’UJIT et le SYNJIT, « cette attitude du préfet du Golfe nuit gravement à la liberté d’informer et condamnent avec la dernière rigueur cette agression sur les journalistes dans l’exercice de leur métier ».
Elles rappellent que dans la constitution du Togo, « nul n’a le droit de restreindre » la liberté d’expression, considérée comme « un pilier essentiel de la démocratie, en se cachant derrière quelque argument que ce soit ».
Aussi, appelle-t-elles les autorités togolaises de « tout mettre en œuvre afin de garantir aux professionnels des médias le libre exercice de leur profession ».
Cet acte du préfet inquiète les journalistes qui sont ces derniers temps, confrontés à l’agressivité des forces de sécurité et des condamnations en cascade de la HAAC et de la justice, de façon disproportionnée, pour des fautes minimes ou d’incompréhension.
L’acte intervient 19 jours après le retrait du récépissé du journal L’Indépendant Express et son interdiction indéfinie de publication. Cette interdiction ordonnée par le tribunal de 1ère instance de Lomé, le 15 janvier 2021, a fait suite à la demande de l’organe de régulation de médias, la Haute Autorité de l’Audiovisuelle et de la Communication (HAAC) du Togo. La demande avait été formulée à la justice suite à la publication d’un article dans lequel ledit journal avait accusé des femmes ministres d’avoir dérobé des cuillères dorées lors d’une réception, article qui a valu au directeur de publication du journal, Carlos Komlanvi Ketohou, trois jours en détention.
La Fondation des médias pour l’Afrique de l’ouest condamne énergiquement l’interpellation des journalistes Charles Kponwadan, Anani Vidzraku et Romuald Lansou, et appelle aux autorités togolaises de changer les comportements à l’égards des journalistes. La convocation du chef Dagban-Ayivon pour ses critiques envers le pouvoir et interpellation des journalistes font montre une volonté de faire taire les critiques, ce qui viole l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme dont le Togo est pays signataire.