(RSF/IFEX) – Sandra Bakutz, journaliste pour la radio autrichienne Orange 94.0 et pour l’hebdomadaire allemand « Junge Welt », a été arrêtée par la police turque le 10 février 2005 à l’aéroport Atatürk d’Istanbul. Elle est accusée d' »appartenance à une organisation illégale ». Le 16 février, elle a été conduite à la maison d’arrêt de Pasakapisi à Istanbul, […]
(RSF/IFEX) – Sandra Bakutz, journaliste pour la radio autrichienne Orange 94.0 et pour l’hebdomadaire allemand « Junge Welt », a été arrêtée par la police turque le 10 février 2005 à l’aéroport Atatürk d’Istanbul. Elle est accusée d' »appartenance à une organisation illégale ». Le 16 février, elle a été conduite à la maison d’arrêt de Pasakapisi à Istanbul, avant d’être transférée dans la prison de la ville de Gebze, 50 km plus au Sud. Elle y est actuellement incarcérée dans l’attente d’un procès.
RSF proteste contre la détention de Bakutz dans des conditions plus que discutables. « Nous demandons au ministre turc de la Justice la libération immédiate de la journaliste autrichienne. Cet emprisonnement, qui dure maintenant depuis 18 jours, se base sur de vagues soupçons et ne s’appuie pas sur un mandat d’arrêt international. La justice turque ne respecte pas les articles 9 et 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme sur l’interdiction de la détention arbitraire et sur le droit à un procès équitable et transparent, ainsi que l’article 19 garantissant la liberté d’opinion », a déclaré l’organisation.
Bakutz, engagée par ailleurs depuis plusieurs années dans la défense des prisonniers politiques turcs, s’apprêtait à assister au procès des 82 activistes arrêtés dans le cadre d’une opération policière internationale menée le 1er avril 2004 contre le DHKP-C (« Parti-Front révolutionnaire de libération du peuple »), mouvance d’extrême gauche classée par les Etats-Unis et l’Union européenne parmi les organisations terroristes.
A peine descendue de son avion en provenance de Vienne, la journaliste a été interpellée, puis a comparu le 11 février devant le 12e tribunal des lourdes peines pour lui signifier le motif de son inculpation. Il s’agit d’un mandat d’arrêt, daté de septembre 2001, émanant de la deuxième Cour de Sûreté de l’Etat (chargée à l’époque de juger les prisonniers politiques turcs et qui n’existe plus aujourd’hui, remplacée par la Cour des lourdes peines). Bakutz est accusée d' »appartenance à une organisation illégale », en l’occurrence le DHKP-C.
Si la journaliste autrichienne venait en Turquie dans le cadre d’une délégation de l’IPAI (International Platform against Isolation), organisation internationale de défense des prisonniers politiques turcs, elle devait également couvrir le procès des 82 activistes afin de réaliser un reportage pour Orange 94.0. Son appartenance à l’organisation DHKP-C n’est nullement prouvée.
L’avocate autrichienne de Bakutz, Gabriele Vana, soutient que les autorités turques se sont servies d’un faux prétexte, « appartenance à une organisation illégale », pour tout simplement empêcher une journaliste de faire une enquête sur un aspect polémique de la situation des droits de l’homme en Turquie, à l’heure où ce pays cherche à intégrer l’Union européenne.
Bakutz, depuis son transfert le 16 février à la prison de Gebze, a vu son audience avec un juge reportée deux fois. Les informations officielles sur le motif de cette « garde à vue » prolongée font cruellement défaut.
L’ambassadeur autrichien ainsi que le Consul général autrichien à Istanbul se sont rendus le 28 février au matin à la prison de Gebze. Seul le Consul général autrichien a été autorisé à voir la journaliste. Elle partage sa cellule avec dix autres prisonniers politiques et n’est pas autorisée à téléphoner ou avoir d’autres contacts avec l’extérieur.