Avril en Afrique: Un tour d’horizon des principales informations sur la libre expression, basé sur les rapports des membres de l'IFEX.
Ceci est une traduction de la version originale de l’article.
Une campagne sans relâche menée par une foule de défenseurs de la liberté des médias, ceux de la liberté d’expression et des activistes a finalement porté ses fruits. Les journalistes mozambicains Amade Abubacar et Germano Daniel Adriano ont été libérés sous caution le 23 avril, après trois mois d’emprisonnement. Les organisations membres de l’échange africain de liberté d’expression (AFEX) ainsi que des organisations régionales et internationales ont publié une déclaration commune le 11 avril appelant les autorités du Mozambique à libérer sans condition le journaliste Amade Abubacar. Deux semaines plus tard, leur affaire avait été portée devant un juge de la ville de Pemba, où le tribunal avait jugé que les journalistes Amade Abubacar et Germano Daniel Adriano devaient être libérés sous caution.
@AFEXafrica se félicite de la libération de journalistes mozambicains détenus, #AbubacarAmade et #GeramanoAdriano. Nous appelons les autorités à abandonner toutes les charges qui pèsent sur le tandem et à les laisser mener librement leur travail de journaliste. @amnesty @pressfreedom @angelaquintal @CPJAfrica @AFIC1 https://t.co/jKMUYHUsxy – AFEX (@AFEXafrica)le 23 avril 2019
Abubacar croupissait en prison depuis le 5 janvier, date à laquelle des policiers du district de Macomia l’ont arrêté sans mandat. Il avait interviewé des habitants de la province de Cabo Delgado qui fuyaient des attaques armées dans la région. Adriano a été arrêté quelques semaines plus tard, mais, jusqu’au 16 avril, aucun des deux ne fut officiellement inculpé. Ils attendent maintenant tous les deux d’être jugés pour « incitation publique à commettre un crime par le biais des médias électroniques », « incitation » et « blessures infligées à des responsables des forces publiques ». Selon Human Rights Watch (HRW), « MISA Mozambique s’est engagé à continuer à se battre pour la libération immédiate et inconditionnelle des journalistes, ce que des groupes de défense des droits humains du monde entier réclament depuis des semaines.
Depuis juin 2018, l’armée empêche les médias de pénétrer dans la province de Cabo Delgado, et les journalistes retrouvés travaillant dans la région ont été intimidés, harcelés ou détenus.
Bobi Wine arrêté et inculpé
Après avoir captivé un public diversifié de membres de l’IFEX lors de la réunion de stratégie de 2019 à Berlin, le célèbre musicien et politicien ougandais Bobi Wine est rentré chez lui pour affronter des concerts annulés pendant les vacances de Pâques, des fans gazés et arrêtés, des détentions provisoires, la résidence surveillée et une nouvelle arrestation pour des accusations en rapport avec les manifestations à Kampala, en juillet 2018, contre les taxes sur les réseaux sociaux.
@ HEBobiwine joue un morceau remarquable sur #LibertéDelaPresse # IFEX2019 @ IFEX – entrainant les participants dans un voyage vers la musique et la politique en #Ouganda @AFEXafrica @ IFEXALC @AFEXafrica @IFEXPhilippines pic.twitter.com/S2HwH3GpOH – Tabani Moyo (@TabaniMoyo) le 8 avril 2019
Le 30 avril, Bobi Wine – alias Robert Kyagulanyi – a été inculpé pour avoir tenu un meeting public illégal et placé en détention provisoire dans une prison à sécurité maximale de Kampala. Des affrontements ont éclaté entre ses partisans et la police alors qu’ils descendaient dans la rue pour protester contre son arrestation.
Vêtu de son traditionnel béret rouge, il a déclaré à la cour qu’il n’avait pas commis de crime. Selon un rapport de la VOA, il a déclaré: « Je suis ici simplement parce que je ne suis pas d’accord avec les dirigeants politiques de ce pays, et en particulier avec le président Museveni », a-t-il déclaré.
Trois ONG africaines rejoignent le réseau IFEX
Lors de la récente assemblée générale de l’IFEX à Berlin, en Allemagne, IFEX a accueilli de nouveaux membres: ADISI-Cameroun, l’Union de la presse gambienne et Collaboration sur les politiques internationales en matière de TIC en Afrique de l’est et australe.
L’échange de la liberté d’expression en Afrique (AFEX) accueille ADISI-Cameroun, l’Union de la presse gambienne et Collaboration sur les politiques internationales en matière de TIC en Afrique de l’Est & australe dans la famille @AFEXafrica. Félicitations pour votre adhésion à @IFEX également! @gmpressunion pic.twitter.com/ 9Rbl9WBZMC – AFEX (@AFEXafrica) le 10 avril 2019
Combattre la désinformation en prévision les élections
En prévision des élections générales du 8 mai, les organisations sud-africaines ont lancé deux campagnes novatrices et intéressantes pour contrecarrer la désinformation et les fausses informations. Les deux [campagnes] s’appuient fortement sur la participation du public.
La Commission électorale indépendante de l’Afrique du Sud s’est associée à Media Monitoring South Africa pour lancer la toute première plateforme d’information en ligne au monde, Real411.org.za.
Voici des conseils pour détecter la désinformation! Signalez la désinformation ici: https://t.co/ypszbXRqjk « La désinformation détruit la démocratie ». Retweetez pour sensibiliser! #Real411 #SAelections @IECSouthAfrica pic.twitter.com/ZanvGSOuzI – Media Matters (@MediaMattersZA) le12 avril 2019
Le site Web Real411.org.za traitera les plaintes relatives à la publication d’allégations fausses et diffamatoires sur les partis politiques, mais autorisera également les objections concernant le langage incitant à la violence ou à la discrimination.
Les citoyens sud-africains peuvent accéder au Real 411 via son site Web et déposer une plainte en anglais ou dans la langue vernaculaire avec laquelle ils sont le plus à l’aise. La plainte sera transmise directement à la Direction des infractions électorales de la CEI, où elle sera examinée par des experts. Les enquêteurs soumettront leurs recommandations aux commissaires électoraux sur la base de leurs conclusions, qui seront ensuite soumises au plaignant.
L’autre projet unique dans son genre, What’s Crap on WhatsApp [Quelle merde/conneries sur WhatsApp], est actuellement piloté par AfricaCheck, une organisation sud-africaine de vérification des faits, pour faire face au déluge de désinformation inondant cette plateforme populaire. Comme le souligne un article de Quartz Africa: WhatsApp est la plateforme de médias sociaux de choix dans toute l’Afrique.
« Quelle merde sur WhatsApp? » Envoyez-nous les déclarations douteuses reçues de vos amis & famille. Nous allons démystifier la pire désinformation / fausse information & renvoyer la vérité dans un podcast mensuel. pic.twitter.com/Eu8kRFRaFH – Africa Check (@AfricaCheck) le 29 avril 2019
Des messages et des vidéos douteux peuvent être envoyés au numéro WhatsApp d’Africa Check, avec la possibilité supplémentaire de tweeter des messages douteux sur la page Twitter. Africa Check examinera le contenu qui leur aura été envoyé, rassemblera des données sur ce qui est factuel et ce qui ne l’est pas, et le présentera aux adeptes de WhatsApp sous la forme d’un spectacle Quelle merde sur WhatsApp.
Innover
Netflix a annoncé le lancement du tout premier film d’animation africain original Mama K’s Team 4, créé par l’écrivaine zambien Malenga Mulendema, conçu par l’artiste camerounais Malcolm Wope et produit par le studio Triggerfish Animation basé en Afrique du Sud. L’histoire tourne autour de quatre adolescentes vivant dans une version futuriste de Lusaka, la capitale de la Zambie. L’écrivaine Mulendema a déclaré qu’elle « espérait présenter le monde à quatre fortes filles africaines qui trouvent des solutions par elles-mêmes de manière amusante et folle ».
Un créateur zambien, un animateur camerounais et une maison de production sud-africaine. Netflix devient panafricain. La première animation africaine de Netflix pour enfants parle d’une équipe d’espionnes écrite par des femmes. https://t.co/ SYCVGsx3so via @qzafrica – Yinka Adegoke (@YinkaWrites) le 18 avril 2019
Nigeria: inquiétudes à propos de Buhari
Les journalistes au Nigéria ont exprimé leurs réserves et leurs inquiétudes alors que le président Muhammad Buhari entame son deuxième mandat, après les élections de février 2019. S’adressant au Comité pour la protection des journalistes (CPJ), l’un des journalistes a attiré l’attention sur le passé militaire de Buhari et sa tendance à réprimer les détracteurs du gouvernement. Un point commun à toutes les observations est que le passé de l’administration Buhari consistant à attaquer les médias, à persécuter les journalistes et à faire taire les voix discordantes est une sombre réalité à laquelle les médias devront peut-être faire face au cours des prochaines années.
Bénin: quand les élections sapent la démocratie
Alors que les coupures d’Internet deviennent synonymes d’élections, le Bénin est le dernier pays à inscrire son nom sur la liste croissante de gouvernements qui perturbent les services Internet à un moment où ils sont urgemment nécessaires. Lorsque les citoyens étaient prêts à voter aux élections législatives du 28 avril, les réseaux sociaux et les plateformes de partage d’informations ont été bloqués.
Selon les données du réseau de l’Observatoire d’Internet NetBlock, Facebook, Twitter, Instagram et les applications de messagerie WhatsApp, Telegram et Viber figuraient parmi les applications concernées. Au cours de la journée, Internet était complètement coupé et l’accès aux VPN et aux TOR était restreint. L’accès complet à Internet a repris un jour plus tard.
Avant le jour du scrutin, cinq partis de l’opposition n’avaient pas le droit de participer aux élections législatives au Bénin. Les deux partis restants sont connus pour leur loyauté au président Patrice Talon. L’exclusion de partis concurrents est particulièrement poignante car le Bénin était l’un des premiers pays africains à introduire des élections multipartites au début des années 90.
« Sous l’ère Talon, dont l’entrée en politique avait d’abord été saluée comme l’adieu à la domination de l’inchangeable classe politique, le gouvernement a fermé des médias, restreint le droit de grève et utilisé l’armée pour étouffer les manifestations », rapporte Bloomberg.
Des militants sud-africains ciblés
Les menaces et les attaques contre les militants écologistes ont augmenté en volume et en férocité. Un nouveau rapport de Human Rights Watch, « Nous savons que nos vies sont en danger »: l’ambiance de peur dans les communautés touchées par les mines en Afrique du Sud, préparé avec groundWork, Earthjustice et le Center for Environmental Rights, met en lumière les risques et les défis des militants écologistes en Afrique du Sud auxquels ils font face lorsqu’ils dénoncent l’impact des activités minières dans leurs communautés.
En bref
Un nombre inquiétant de 152 violations allant des meurtres aux enlèvements, en passant par les attaques physiques, les arrestations et les détentions, ainsi que les violations de la liberté de
réunion ont été enregistrées en 2018 et documentées par la Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest dans son rapport 2018 de surveillance de la liberté d’expression en Afrique de l’Ouest.
Le Rapport annuel sur la situation de la liberté d’expression en Afrique produit par AFEX pour 2018 souligne le niveau élevé d’impunité, sur le continent, pour les crimes contre les journalistes basés sur 208 cas de violations de la liberté d’expression enregistrés en 2018, dont seulement 14 ont bénéficié de mesures correctives.
Abdallah Abdou Hassane et Oubeidillah Mchangama, deux journalistes des Comores, travaillant pour la chaîne de télévision FCFK, ont été arrêtés et font face à de nombreuses accusations, notamment la diffamation, le trouble à l’ordre public, l’incitation à la violence, l’offense envers le chef de l’Etat, l’outrage à magistrat et le faux et usage de faux.
La Cour de justice de l’Afrique de l’Est (EACJ) a statué que plusieurs parties de la loi de 2016 sur les services de médias en Tanzanie, notamment celles concernant la sédition, la diffamation pénale et la publication de fausses informations, restreignaient la liberté de la presse et la liberté d’expression et violaient le traité constitutif de la Communauté de l’Afrique de l’Est.
Deux blogueurs populaires en Mauritanie, Abderrahmane Weddady et Sheikh Ould Jiddou ont été arrêtés pour avoir republié et commenté un article qui avait fait les gros titres de la presse internationale.
À Harare, Lovejoy Mutongwiza, un journaliste de 263Chat, prenait des photos d’une opération menée conjointement par le ZRP et la police municipale de Harare pour arrêter des vendeurs opérant à proximité des bureaux de 263Chat. Selon Lovejoy, il aurait été poursuivi jusque dans les locaux du média, après quoi des agents de la Police de la république du Zimbabwe (ZRP) ont délibérément tiré trois grenades de gaz lacrymogène dans les bureaux, dont l’une a touché Mutongwiza, puis ont barricadé les portes, empêchant le personnel de s’échapper. MISA Zimbabwe a condamné les actions de la police.
Lors de son assemblée générale annuelle, tenue le 7 avril, AFEX a exprimé sa préoccupation face aux attaques croissantes contre la liberté des médias et la liberté d’expression sur le continent et a fermement condamné le haut niveau d’impunité pour les attaques injustifiées contre les journalistes.