Novembre en Afrique: un tour d'horizon des principales nouvelles de la liberté d'expression, réalisé sur base des rapports des membres de l'IFEX.
Ceci est une traduction de la version originale de l’article.
Juste un jour après la commémoration de la Journée internationale pour mettre fin à l’impunité, la nouvelle du meurtre ignoble du journaliste d’une radio communautaire dans le village de Lwemba en RDCongo, Papy Mumbere Mahamba, a retenti dans la région.
Mahamba venait de rentrer chez lui après avoir animé son programme de sensibilisation au virus Ebola à la station de radio communautaire locale d’Ituri lorsqu’il a été poignardé à plusieurs reprises. Sa femme a été blessée lors de l’attaque. Leur maison a été incendiée.
Le personnel de santé travaillant pour la riposte contre Ebola est considéré avec suspicion en RDC, qui a enregistré la deuxième pire épidémie de virus au monde. Depuis janvier, l’Organisation mondiale de la santé a enregistré plus de 300 attaques contre des agents de santé, faisant 6 morts et 70 cas de blessés parmi le personnel et les patients. La zone de santé de Lwemba est particulièrement volatile.
Le meurtre de Mahamba a été condamné par Audrey Azoulay, directrice générale de l’UNESCO.
Le co-fondateur de JamiiForums reçoit le prix de la liberté de la presse
Ce mois-ci, Taxence Melo Mubyazi, activiste en ligne tanzanien, propriétaire et co-fondateur du site en ligne JamiiForums, a été honoré comme l’un des gagnants du Prix international de la liberté de la presse pour 2019. Attribué par le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), ce prix est une reconnaissance de son travail courageux pour exiger la transparence publique et la bonne gouvernance.
Lancé en 2006, le site JamiiForums, également surnommé le Wikileaks en Swahili, a évolué de la facilitation des débats publics pour les jeunes sur la politique et la gouvernance à la dénonciation de la corruption et à l’offre d’une plateforme sécurisée pour les lanceurs d’alerte.
C’est la croissance et l’influence du site qui ont agacé les autorités et causé, ensuite, des ennuis à Melo: en 2017 seulement, il a été jugé 91 fois et en 2018, le site a été temporairement fermé.
Dans son discours d’acceptation du prix, il a rendu hommage à ses compatriote Tanzaniens qui « ont été torturés, intimidés ou sont décédés alors qu’ils exerçaient leur droit à la liberté d’expression. Il a ensuite mentionné le journaliste indépendant Azory Gwanda, disparu en 2017.
Pendant que Melo était honoré pour son travail, le journaliste Erick Kabendera a vu son audience ajournée pour la huitième fois depuis son arrestation en juillet. À chacun de ces huit reports, l’État a évoqué le fait que les enquêtes n’étaient pas terminées. Kabendera est accusé de mener le crime organisé, d’avoir omis de payer des impôts et de blanchiment d’argent. Pour les critiques, tout ceci cache un agenda à motivations politiques.
Le gouvernement tanzanien nie le retrait de la CADHP
Le gouvernement tanzanien a réfuté les affirmations selon lesquelles il aurait retiré son adhésion à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP). Dr Augustine Mahiga, ministre de la Justice, a déclaré que le gouvernement avait demandé à la CADHP de retirer ce qu’il considère comme un protocole litigieux. Il n’a pas précisé à quelle convention spécifique ils avaient soulevé des objections.
Entre-temps, Amnesty International (AI) a publié un communiqué disant que la Tanzanie avait retiré le droit des individus et des ONG de déposer directement des plaintes contre elle devant le tribunal basé à Arusha.
Explicitant le contexte, la déclaration a confirmé que « Le ministre tanzanien des Affaires étrangères et de la Coopération est-africaine, Pr Palamagamba Kabudi, a signé, le 14 novembre 2019, l’avis de retrait de la déclaration faite en vertu de l’article 34 (6) du Protocole de la Cour africaine. Cet avis a été envoyé à l’Union africaine le 21 novembre. »
AI soutient que le retrait équivaut à « une trahison pure et simple des efforts déployés en Afrique pour établir des organes régionaux des droits humains solides et crédibles qui peuvent rendre justice et demander des comptes. »
Le Nigeria ignore les décisions de justice
La famille, les amis et les collègues n’ont pu célébrer la libération éventuelle d’Omoyele Sowore et Olawale Bakare que pendant quelques heures. Dans une scène dramatique dans la salle d’audience, le personnel du Département des services d’État a plaqué Sowore au sol pendant la bagarre qui a éclaté alors qu’ils tentaient de l’arrêter de nouveau.
Malheureusement, les nouvelles n’ont été bonnes que pour quelques heures. #Sowore a été arrêté de nouveau moins d’une journée après sa libération. La justice du #Nigeria doit condamner les abus de pouvoir flagrants des forces de sécurité et leur refus de respecter l’état de droit. https://twitter.com/AgnesCallamard/status/1202924395485904896…
Agnes Callamard
Bonne nouvelle. Sa liberté est également le fruit du travail acharné de sa femme, de ses collègues, de ses amis au Nigéria et au-delà. https://twitter.com/saharareporters/status/1202658678576500736…
Le mépris constant du Nigéria pour la loi a incité Amnesty International à déclarer prisonniers d’opinion les défenseurs des droits humains Omoyele Sowore, Olawale Bakare et Agba Jalingo pour avoir fait face à « des détentions arbitraires toujours en cours et des procès inéquitables uniquement pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression ». Malgré les condamnations régionales et internationales, les trois sont en détention depuis août de cette année.
Ne l’oublions pas;
Omoyele Sowore est toujours détenu par le DSS malgré les décisions de justice pour sa libération
Agba Jalingo est en prison pour son travail de journaliste
Dadiyata est toujours porté disparu
Michael Itok a été arrêté dans l’État d’Akwa Ibom pour un post « ennuyeux » sur Facebook
Jalingo a également été répertorié comme l’un des 10 cas les plus urgents de menaces à la liberté de la presse dans la liste mensuelle publiée par One Free Press Coalition, pour mettre en évidence les violations dans le monde.
Rejoignez Agba Jalingo demain lundi 2 décembre, avant 9h à la Haute Cour fédérale 2, en face du secrétariat du PDP, Murtala Muhammed Highway, Calabar, alors qu’il comparait pour la suite de son procès secret.
Le prix Nobel et auteur de renom Wole Soyinka décrit le non-respect par le président Muhammad Buhari des décisions de justice comme un embarras national. Refuser à plusieurs reprises de libérer Sowore, malgré le fait qu’il remplit toutes les conditions de libération sous caution, a été décrit par Shehu Sani, le directeur exécutif du Centre pour la paix et le développement, comme « un affront à la constitution ». Depuis sa réélection en février, le président Buhari et son gouvernement ont ignoré les décisions de justice de manière flagrante.
Célébration des femmes
En novembre, outre le fait de se focaliser sur les violences basées sur le genre lors de la campagne #16DaysofActivism, il y avait aussi des moments de célébration des succès de trois femmes dans leurs domaines respectifs.
Choumali – première africaine à remporter le Prix Prictet
L’essai photo saisissant, Ça va aller, de la photographe ivoirienne Joana Choumali, combinant son cachet original d’espaces vides, de figures solitaires et de broderies complexes, lui a valu le prestigieux Prix Pictet. Elle est la première Africaine à remporter ce prix.
Le Prix Pictet est un prix de photographie axé sur la durabilité. Pour le prix 2019, le thème est Hope (Espoir). La gagnante du prix cette année est Joana Choumali; en savoir plus sur son travail, ainsi que les 11 autres artistes présélectionnés!
Ses photographies capturent des scènes de rue quelques semaines après l’attentat terroriste dans la ville de Grand Bassam en Côte d’Ivoire en mars 2016. Inspirée de la tragédie, ses séries ont exploré la façon dont les Ivoiriens gèrent les traumatismes et les problèmes de santé mentale, et pour le jury, elles ont le mieux représenté le thème de l’espoir du concours de 2019.
Choumali explique comme suite: « j’ai ressenti le besoin de traiter cette douleur et j’ai découvert que je pouvais le faire grâce à la broderie. Chaque point était un moyen de récupérer, de fixer les émotions, la solitude et les sentiments mitigés que je ressentais ».
Choumali expose actuellement son collage à Londres, puis elle emmènera l’histoire du Grand Bassam à Tokyo.
Anriette Esterhuysen, d’Afrique du Sud, nommée présidente du Groupe consultatif de l’ONU
Le 25 novembre, Anriette Esterhuysen, militante reconnue des TIC pour le changement social, a été nommée pour présider le groupe consultatif multipartite du Forum sur la gouvernance de l’Internet par le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Gutteres.
À partir du milieu des années 80, Esterhuysen et d’autres militants anti-apartheid ont utilisé la technologie pour contourner l’interception du gouvernement et partager avec le monde des informations sur les injustices perpétrées en Afrique du Sud. Après l’indépendance, elle a continué de plaider pour le libre accès à l’information et le partage des données avec les communautés marginalisées en Afrique du Sud et dans la région de l’Afrique australe.
Comme elle l’a souligné une fois: « Internet est un perturbateur et un catalyseur. Ce qui est inquiétant, c’est que les mêmes technologies qui ont initialement ouvert les portes du partage de contenu et de l’accès à l’information aux personnes qui n’ont pas les moyens de le payer sont désormais utilisées pour renforcer les droits numériques ».
Son travail le plus notable a été lorsqu’elle était directrice générale de Association for Progressive Communications – un réseau dédié à l’information de sources ouvertes et à l’utilisation de la technologie pour la justice sociale.
L’as de la technologie Rebecca Enonchong conserve son poste de présidente
L’as camerounaise de la technologie Rebecca Enonchong a été réélue, ce mois-ci, à la tête d’Afrilabs – un réseau de centres technologiques et d’espaces d’innovation dans 45 pays d’Afrique. L’annonce a été faite lors de la réunion annuelle d’Afrilabs qui s’est tenue à Addis-Abeba cette année.
Rebecca Enonchong a été réélue à l’unanimité comme présidente du conseil d’administration d’Afrilabs. Elle est présidente du centre technologique @ActivSpaces au Cameroun. @AfriLabs @africatechie#Afrilabs2019 #innovationhubs
Grande figure de l’espace technologique en Afrique, Enonchong, PDG d’AppTech et président de la filiale d’Afrilab ActivSpaces basée au Cameroun, souhaite voir la technologie changer la vie des habitants des zones rurales. Elle est citée parmi les 100 Africains les plus influents dans les sciences, la technologie et l’innovation et aussi sur les listes des 50 Africains les plus influents
En bref
Les journalistes et les dirigeants de nombreuses associations de l’Ouganda ont réussi à présenter une pétition protestant contre la brutalité policière, malgré des méthodes musclées pour les en empêcher. La pétition protestait contre l’usage du gaz lacrymogène, la saisie du matériel de travail et les attaques contre les journalistes couvrant les manifestations des étudiant de l’université à Kampala.
Deux stations de radio privées ont été fermées par les autorités de Guinée-Bissau à l’approche de l’élection présidentielle du 21 novembre.
Des membres de la section sud-ouest du Syndicat des journalistes du Cameroun ont assisté à l’audience du tribunal en guise de soutien à leur confrère, le présentateur de Pidgin News, Samuel Wazizi. Ce dernier, qui a été arrêté en août de cette année, est poursuivi pour « collaboration avec des séparatistes » et « diffusion d’informations séparatistes ».
La Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) a organisé une formation sur la loi sur le droit à l’information récemment adoptée par le Ghana, qui révolutionne la manière dont les citoyens peuvent obtenir des informations auprès des institutions gouvernementales.
La Loi kényane sur la protection des données récemment adopté vise à protéger les informations personnelles en réglementant la façon dont les gens partagent leurs informations personnelles et en garantissant aux personnes le droit à des données personnelles, tout en empêchant le partage non autorisé de données personnelles.
Tout comme leur single à succès de 2016 – All Eyes on Me, deux des stars de la pop emblématiques de l’Afrique – Burna Boy du Nigéria et AKA d’Afrique du Sud, a attiré l’attention de tout le continent lorsque le concert Africa Unite, prévu fin novembre et mettant en vedette les deux, a été annulé.
Une querelle entre les deux, qui collaboraient souvent en tant que partenaires et étaient connus pour être de bons amis, a éclaté sur Twitter. Suite aux attaques xénophobes en Afrique du Sud, Burna Boy a posté un tweet (qui a depuis été effacé) les condamnant. AKA a répondu, et une guerre des mots a éclaté. D’autres artistes et personnalités sud-africains ont appelé au boycott du concert en raison de l’inclusion de Burna Boy. Le concert anti-xénophobie a été annulé par les organisateurs, inquiets des menaces de violence. AKA exige maintenant des excuses de Burna Boy pour ses remarques en ligne.
Lionheart – l’entrée du Nigéria dans la catégorie des longs métrages internationaux – a été disqualifié pour son contenu trop en anglais – environ 90%. Le coprésident du comité exécutif de l’Oscar International du Film, Larry Karaszewski, a qualifié la situation de malentendu plutôt que de controverse. « Si vous soumettez une candidature pour quelque chose d’aussi important qu’un Academy Award, je pense que vous devriez respecter les règles », a-t-il ajouté.
Geneviève Nnaji, la réalisatrice, a tweeté que l’anglais est considéré comme la langue officielle au Nigéria, reliant les gens dans un pays où plus de 500 dialectes sont parlées.
1/1 1/2 Merci beaucoup @ava.
Je suis la directrice de Lionheart. Ce film représente la façon dont nous parlons en tant que Nigérians. Cela inclut l’anglais qui est un pont entre les plus de 500 dialectes parlés dans notre pays; faisant ainsi de nous #OneNigeria. @TheAcademy
https://twitter.com/ava/status/1191481642734387200…
Ava DuVernay
À @TheAcademy, vous avez disqualifié la toute première candidature du Nigéria pour le meilleur long metrage international car il est en anglais. Mais l’anglais est la langue officielle du Nigéria. Allez-vous empêcher désormais ce pays de disputer un Oscar dans sa langue officielle?