La volonté de la Turquie de joindre les rangs de l’Union Européenne s’est attiré des critiques renouvelées à la suite de reportages selon lesquels les réformes juridiques visant à satisfaire aux normes de l’UE sur les droits de la personne ne parviennent pas à préserver la liberté d’expression et la liberté de la presse. Selon […]
La volonté de la Turquie de joindre les rangs de l’Union Européenne s’est attiré des critiques renouvelées à la suite de reportages selon lesquels les réformes juridiques visant à satisfaire aux normes de l’UE sur les droits de la personne ne parviennent pas à préserver la liberté d’expression et la liberté de la presse.
Selon le Comité des écrivains en prison du PEN International (WiPC), le Code pénal modifié de la Turquie, promulgué en juin 2005, n’a pas entraîné de diminution du nombre des affaires intentées devant les tribunaux contre écrivains, éditeurs et journalistes. En fait, c’est le contraire qui semble se produire. De plus en plus de personnes sont poursuivies aux termes de l’Article 301, qui pénalise ceux qui insultent l’armée et l’État.
L’Article dispose qu’« une personne qui insulte explicitement un Turc, la République ou la Grande Assemblée nationale turque, est passible d’une peine de six mois à trois ans d’emprisonnement ».
Parmi les personnes poursuivies, on compte l’écrivain Orhan Pamuk, de réputation internationale, qui a déclaré à un reporter suisse en février que « trente mille Kurdes et un million d’Arméniens avaient été tués en [Turquie] et [que] personne à part moi n’ose en parler ». Pamuk doit comparaître en cour le 16 décembre 2005.
Fatih Tas, propriétaire de la maison d’édition « Aram », a également été inculpé aux termes de l’Article 301 pour avoir publié une édition turque du livre « Spoils of War: The Human Cost of America’s Arms Trade » [Prises de guerre : Le coût humain du trafic des armes par les États-Unis], dit le WiPC. L’ouvrage accuse le gouvernement turc de commettre des violations des droits de la personne et laisse entendre que le traitement des Kurdes par le gouvernement dans le sud-est du pays au début des années 1990 équivaut à un génocide.
Dans d’autres affaires, le journaliste Hrant Dink a été condamné à six mois de prison avec sursis pour avoir « insulté et miné l’identité turque dans les médias », rapporte le Comité pour la protection des journalistes (CPJ). À titre de rédacteur en chef de l’hebdomadaire turco-arménien « Agos », Dink a écrit en 2004 une série d’articles traitant de la mémoire collective des massacres d’Arméniens de 1915-1917 sous l’empire ottoman. Dink y invitait les Arméniens à dépasser leur colère historique envers les Turcs et à « se tourner vers les perspectives de l’Arménie indépendante ».
La Turquie ne reconnaît pas que le massacre des Arméniens par les Ottomans au début du XXe siècle équivaut à un génocide. Le Parlement européen a fixé comme condition de l’adhésion de la Turquie à l’UE la reconnaissance formelle des tueries comme génocide.
Selon le WiPC, il y a en Turquie environ 60 personnes qui risquent des poursuites judiciaires en raison de ce qu’elles ont écrit ou publié. Il s’agit notamment de l’éditeur Ragip Zarakolu, du directeur de journal Ersen Korkmaz, Rahmi Yildirim, Emin Karaca et de Sehmus Ülek, vice-président du groupe de défense des droits de la personne Mazlum-Der.
Dans son dernier rapport sur les progrès de la Turquie vers la réalisation des critères d’adhésion à l’UE, celle-ci souligne que le Code pénal devra être amendé si les procureurs continuent à entamer de nouveaux procès contre les gens qui disent leur opinion de manière non violente.
Consulter les sites suivants :
– PEN International : http://www.internationalpen.org.uk/index.php?pid=33&aid=406
– Rapport du PEN/UIE sur le Code pénal :
http://www.ipa-uie.org/PressRelease/171204/COMMENTS.htm
– Dossier de RSF sur le Code pénal amendé :
http://www.rsf.org/article.php3?id_article=13909
– Rapport du CPJ sur la Turquie : http://www.cpj.org/attacks04/mideast04/turkey.html
– Human Rights Watch : http://hrw.org/english/docs/2005/09/29/turkey11872.htm
– Dossier sur les droits de la personne en Turquie : http://hrw.org/english/docs/2005/01/13/turkey9882.htm
– Centre américain du PEN International : http://www.pen.org/page.php/prmID/980
– Analyse du Code pénal turc par l’OSCE :
http://www.osce.org/documents/html/pdftohtml/14223_en.pdf.html
– Rapport provisoire de l’UE sur la Turquie : http://tinyurl.com/9z46w
– Préoccupation de l’UE à propos du Code pénal : http://news.bbc.co.uk/2/hi/europe/4243102.stm
– Rapport de BiaNet sur le nouveau Code pénal turc : http://www.bianet.org/2005/10/01_eng/news64417.htm