Le mois d’août en Afrique subsaharienne. Un tour d'horizon de la liberté d’expression, réalisé sur base des rapports des membres de l'IFEX et des nouvelles de la région, par Reyhana Masters, rédactrice régionale de l'IFEX.
Ceci est une traduction de la version originale de l’article.
Dans le plus grand bidonville du Kenya, un groupe de jeunes artistes a transformé les rues de Kibera en des panneaux géants publicitaires pleins de graffitis exhortant les habitants à maintenir l’hygiène, à observer la distanciation et à porter des masques. Leur ingéniosité s’est étendue à la distribution de cadeaux de savon dans le quartier.
@KiberaStories
Mbuthia Maina et son équipe d’artistes du Masai Mbili Art Collective ont changé leur profession pour s’exprimer à travers des peintures murales et des graffitis avec des informations sur la façon de lutter contre la crise de la COVID-19.
Le Masaai Mbili Artists Creative, connu également sous l’appellation M2, sont surtout connus pour leur initiative dénommée Initiative artistique pour la paix (Art for Peace initiative) déclenchée par la violence post-électorale qui a gâché le processus électoral du Kenya. Le groupe de jeunes artistes a utilisé leur créativité pour plaider en faveur de la paix – en donnant vie aux bâtiments moisis avec des touches de couleur et le message « Peace Wanted Alive » (La paix a besoin vivre), imprimé dessus en gros caractères.
Ils sont également devenus célèbres avec un projet pour enfants intitulé « Superheros of Kibera » (Supers héros de Kibera), dans lequel ils créent leurs propres super héros localement pertinents. Selon le Projet AKKA: « L’objectif général est d’utiliser l’art comme moyen d’identifier et de résoudre les problèmes d’intérêt public. Cette prise de conscience et cette connaissance approfondie façonneront la perception des jeunes dont ils font partie et de ce qu’ils peuvent être. »
M2 a été créé en 2001, par l’artiste autodidacte Kota Otieno et l’écrivain et artiste Gomba Otieno, comme un espace d’expression créative. Le centre sert de studio et de galerie, et est une plateforme pour les peintres, les sculpteurs, les photographes, les cinéastes, les poètes et les écrivains.
#JerusalemaDanceChallenge
Rester à la mode et créatif – la difficile année 2020 a été égayée par une interpretation accrocheuse de la chanson Jerusalema par le DJ Master KG de la South African House et le chanteur Nomcebo Zikode, avec le géant nigérian Burna Boy. Un succès dès sa première sortie à la fin de 2019, le coup de maître était d’avoir Burna Boy, l’une des exportations musicales à succès de l’Afrique, sur le remix pour la réédition cette année.
@masakakids
Nouveau mois!! Bonnes vibrations !! @masakakids
– Commencez votre nouveau mois avec des ondes positives. Joyeux nouveau mois Fam
– Regardez plus de nos vidéos ici :
https://youtube.com/c/MasakaKidsAfrikana… – #jerusalemachallenge #masakakidsafricana #danceriseandshine #masakakids #jerusalema
Les paroles accrocheuses de la chanson de gospel parlent de Jérusalem comme étant la ville du musicien, implorant Dieu de ne pas l’abandonner. Mais c’est la dance particulière qui accompagne la chanson qui a déclenché le #JerusalemaDanceChallenge et est devenue virale avec 100 millions de vues sur YouTube. Cette chanson a unifié des millions de personnes de tous horizons dans l’expression créative à travers des flashmobs, des vidéos virales chorégraphiées et des mèmes.
Les restrictions du confinement libèrent l’expression
La réglementation de la COVID-19 à travers l’Afrique aurait imposé de nombreuses restrictions, allant du contrôle des mouvements aux limitations des rassemblements, mais elle a également eu un effet secondaire en donnant aux citoyens l’élan pour repousser les décisions relatives à la consolidation du pouvoir.
Les récentes manifestations en Côte d’Ivoire, longtemps considérée comme l’un des pays les plus stables de la région, ont révélé la colère et la réticence des citoyens à permettre au président Alassane Ouattara d’aller à l’encontre des garanties constitutionnelles et de briguer un troisième mandat.
Le Président Ouattara a annoncé sa décision de briguer un troisième mandat lors des célébrations du 60e anniversaire de l’indépendance du pays. A la suite du décès soudain de son successeur et candidat à la présidentielle, Amadou Gon Coulibaly, en juillet, il [Ouattara] a expliqué avoir été contraint d’abandonner son projet de « passer le flambeau » pour consacrer le temps qu’il lui restait à la fondation qu’il avait créée. Il a poursuivi en annonçant qu’il était prêt à faire un sacrifice en répondant à l’appel des citoyens à diriger à nouveau le pays.
Ouattara, avec le parti au pouvoir qui a approuvé sa candidature, soutiennent que la Constitution de 2016 lui donne le pouvoir de briguer un troisième mandat en 2020, puisqu’elle efface ses mandats précédents de 2010. Les critiques l’accusent d’avoir façonné le processus d’élaboration de la constitution en 2016. pour supprimer les obstacles à sa candidature.
La suppression des obstacles a été encore renforcée par une décision prise plus tôt dans l’année, lorsque la Côte d’Ivoire s’est retirée de « la déclaration de compétence prévue dans le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ». La décision de se retirer faisait suite à un ordre de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples de suspendre un mandat d’arrêt contre le candidat à la présidentielle Guillaume Soro.
La Guinée emboîte le pas
Dans une situation étonnamment similaire en Guinée voisine, le président Alpha Condé a finalement confirmé sa décision de briguer un troisième mandat lors des élections du mois d’octobre. Malgré l’indignation et les protestations généralisées qui secouent le pays depuis l’année dernière, Condé a déclaré qu’il serait un candidat pour les jeunes et les femmes. Le 3 août, après des mois de spéculations, le dirigeant de 81 ans a déposé sa déclaration de candidature.
@media277
« Je suis candidat à un 3ème mandat pour les jeunes et les femmes », selon Alpha Condé
L’un de ses challengers dans la course à la présidentielle pourrait être l’ancien chanteur de reggae Elie Kamano. Ce dernier, qui a été arrêté en 2017 et en 2019, appelle ses partisans à un soutien financier pour payer les frais exigés aux candidats à la présidentielle lesquels sont fixés par la commission électorale.
Les luttes de pouvoir en RDC dépriment les critiques
Avec le plus grand nombre de violations des médias en Afrique subsaharienne, l’inquiétude monte au niveau des atteintes à la liberté de la presse et des abus contre les travailleurs des médias en RDC.
Les rapports de Journaliste en danger (JED) sur la fermeture récente de la Radio-Télévision Nationale Congolaise (RTCN), la détention et l’agression du journaliste Hubert Djoko de Radio Lusanganya et du technicien radio Albert Lokongo sur instruction d’un gouverneur mettent en évidence les effets néfastes de l’abus de pouvoir des dirigeants provinciaux. Dans ce cas, le gouverneur de la province du Sankuru, Joseph Mukumadi, a accusé la RTCN et Radio Lusanganya d’avoir été utilisées par l’ancien ministre de la Communication Lambert Mende, un rival politique, pour saboter son action politique.
En juin, Reporters sans frontières s’est dit préoccupé par le licenciement de six journalistes de deux radios différentes, ainsi que par la suspension de plusieurs autres journalistes de diverses radios de la province nord-ouest de Mongala. Là encore, sur instruction des autorités provinciales.
De nombreuses attaques contre des critiques pacifiques, des journalistes et des membres de partis politiques détaillées dans un rapport de Human Rights Watch (HRW) indiquent que les autorités provinciales répriment les dissensions et les critiques.
Les appels de JED aux autorités [nationales] pour sanctionner les gouverneurs et enquêter sur les violations ont été ignorés.
La confrérie des médias proteste contre la loi amendée de la Somalie sur les médias
Le 27 août, des militants de la société civile se sont joints aux rédacteurs en chef, aux journalistes et aux propriétaires de médias dans une manifestation contre la loi de 2016 amendée sur les médias. Cette loi, longtemps attendue, a été récemment adoptée.
@Radiorisaala
A Mogadiscio, la confrérie des médias dirigée par le SJS et la SOMA rejoint par la société civile protestent contre la loi draconienne sur les médias
Le Syndicat des journalistes somaliens (SJS) et l’Association des médias somaliens (SOMA) estiment que « le projet de loi draconienne sur les médias ne respecte pas les normes internationales sur la liberté de la presse et celle d’expression ».
@artssiyad
Les espoirs de la presse libre encore une fois brisés
#siyadarts #Somalia
Avant son adoption, les deux organisations avaient présenté des soumissions qui, selon elles, n’étaient pas prises en compte dans les amendements. L’avocat et chercheur d’Amnesty International, Abdullahi Hassan, a souligné les clauses litigieuses qui « permettent aux autorités [au niveau fédéral et au niveau des États] de poursuivre arbitrairement les journalistes et de restreindre la liberté d’expression et l’accès à l’information ». Il a également mis en exergue l’article 5, qui impose des amendes non spécifiées aux journalistes qui contrevient à la loi.
En réponse à @abdullahisom1
Le 8 mai, @amnesty a envoyé une lettre privée au prési @M_Farmaajo partageant ces préoccupations et l’exhortant à refuser de promulguer le projet de loi et à le renvoyer pour un examen plus approfondi afin de s’assurer que tout amendement proposé est conforme aux dispositions constitutionnelles de la #Somalie et à ses obligations internationales.
Il est regrettable que le président ait maintenant promulgué les amendements de la loi et ait manqué une occasion en or de présenter une loi sur les médias qui respecte, protège, promeut et réalise le droit à la liberté d’expression en #Somalie. Fin.
Afrique : une histoire racontée de la COVID-19
Nous avons reçu de nombreuses réponses de membres à notre demande de partager leurs réflexions personnelles et professionnelles sur la vie et le travail pendant la pandémie de la COVID-19.
Du continent africain, nous avons reçu des réponses intéressantes de l’Association pour le Développement Intégré et la Solidarité Interactive – (ADISI-Cameroun), d’Africa Freedom of Information Centre – Uganda(AFIC), du Center for Media Studies and Peace Building – Liberia (CEMESP), de Freedom of Expression Institute– South Africa (FoXI), de Human Rights for Journalists-Uganda (HRNJ-Uganda), et de Media Institute of Southern Africa – Zimbabwe (MISA-Zimbabwe).
Voici les réflexions de quelques membres sur la manière dont ils ont été impactés:
« Cela m’a complètement changé. Je pense que ce que j’ai commencé à approfondir chez mes collègues de MISA, c’est de croire aux communautés avec lesquelles ils travaillent : les communautés d’intérêts, les communautés de soutien, les communautés de collaboration. Je leur dis aussi: « Investissez-vous tout entier en termes de systèmes de valeurs, d’engagement, de loyauté, car ces communautés sont utiles lorsque vous vous y attendez le moins. Ils sont utiles pour faire progresser vos systèmes de valeur et vos objectifs lorsque les dés sont jetés jetons. » Tabani Moyo, Directeur Pays MISA-Zimbabwe
« Ce que je vais dire est que l’impact psychologique doit être davantage considéré comme une conséquence de cette pandémie. Il y avait des voyages prévus et des rencontres avec des partenaires qui ont été mis en attente ou annulés. Cela a eu un impact réel sur deux fronts : psychologiquement et sur les opérations de notre organisation, car nous avons dû revoir toutes nos stratégies. Il faut réfléchir à la manière de faire fonctionner l’organisation tout en s’adaptant à ce que la COVID a imposé en termes de distanciation sociale. » Paul-Joel Kamtchong, Secrétaire exécutif de l’ADISI Cameroun
« Vous savez, le confinement a eu ses propres hauts et bas, le bon et le mauvais côté. Le verrouillage a apporté beaucoup de bien : cela m’a permis de tisser des liens avec les membres de la famille, en particulier au début du confinement qui était de 15 heures de l’après-midi à 6 heures du matin le lendemain. Maintenant, je suis une personne qui pouvait travailler jusque tard. J’avais l’habitude de quitter le travail parfois à 9 heures du soir. Mais maintenant, je rentre tôt à la maison et j’ai l’occasion de créer des liens avec mes enfants et de créer des liens avec les membres de ma famille. C’était le bon côté des choses. » Malcolm Joseph, directeur exécutif du Center for Media Studies and Peacebuilding
L’IFEX commencera à publier les réponses des membres dans les semaines à venir.
Nouveau et remarquable
Pour encourager le public au Zimbabwe à mieux comprendre ses préoccupations concernant le projet de loi sur la cybersécurité et la protection des données récemment publié dans la presse, MISA-Zimbabwe a produit un court audio définissant l’importance de la cybersécurité et de la protection des données, expliquant pourquoi le gouvernement zimbabwéen ne devrait pas fusionner les problèmes en un seul projet de loi.
De jeunes réfugiés font du vélo dans le camp de réfugiés de Yida au Soudan du Sud, sensibilisant la communauté à la COVID-19. Ils ont mis des affiches, parcourant le camp en scandant, à l’aide des mégaphones, des faits sur le coronavirus et en distribuant des pains de savon aux personnes âgées. Les jeunes volontaires se sont engagés à dissiper les faussetés que les gens ont à propos du coronavirus.
La section zambienne de Media Institute of Southern Africa est en train de compiler une séries de podcasts visant à faire connaître le projet de loi sur l’accès à l’information de la Zambie. Depuis plus d’une décennie, MISA-Zambie et les organisations civiles ont poussé les gouvernements successifs à légiférer sur l’accès à l’information. Cette série se concentre sur la sensibilisation aux avantages de l’accès à l’information pour les citoyens et aux principales caractéristiques du projet de loi sur l’accès à l’information.
Le 17 août, Adisi-Cameroun a virtuellement lancé un documentaire sur l’impact de la crise anglophone sur les jeunes au Cameroun.
Un voyage à la recherche de personnes pour partager des expériences de la vie LGBTQI + à travers l’Afrique. Il a aidé @OkayAfrica à rassembler un large éventail d’histoires de célébrités venus d’ailleurs et de fières célébrités du continent.
Brièvement
Le journaliste zimbabwéen Hopewell Chin’ono a été libéré sous caution de 10 000 dollars zimbabwéens (100 $ US) après 45 jours de détention. Chin’ono a été arrêté le 20 juillet 2020 pour des allégations d’incitation à participer à un rassemblement dans l’intention de promouvoir la violence publique.
@takawirasam
L’Etat a commis une erreur en nous emprisonnant, nous pouvons désormais dénoncer les choses que nous avons vues en prison: Hopewell
L’Autorité tanzanienne de régulation des communications a imposé une suspension d’une semaine à Clouds TV et Clouds Radio. Elle accuse les deux médias de violer les directives de couverture électorale après avoir prétendument rapporté des statistiques de nomination électorale sans l’aval de la commission électorale.
Pour commémorer la Journée internationale des disparitions forcées, le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) a réuni le Burundais Jean Bigirimana, le Tanzanien Azory Gwanda et le Mozambicain Ibraimo Mbaruco, trois journalistes disparus en Afrique subsaharienne.
@CPJAfrica
#Mozambique: Le 7 avril, le journaliste Ibraimo Mbaruco a envoyé un texto à un collègue disant qu’il était « entouré de soldats ». Il n’a plus donné de nouvelles depuis. @pressfreedom continues de poser des questions, #WhereIsIbraimo? #MissingNotForgotten
La Eswatini Communications Commission a cité l’absence de loi sur la radiodiffusion, les restrictions des directives de radiodiffusion de 2017 et les restrictions de confinement de la COViD-19 comme raisons pour refuser trois demandes de licences de radiodiffusion communautaire « temporelles ». Depuis 56 ans, le service de diffusion et d’information eSwatini (EBIS) jouit d’un quasi-monopole sur le paysage audiovisuel d’Eswatini (Swaziland).
La nomination de Boubabacar Yacine Diallo comme nouveau patron guinéen de la Haute Autorité de la communication (HAC), par décret présidentiel, est considérée comme une mesure visant à consolider le contrôle du gouvernement sur le secteur des médias avant les élections d’octobre.