Le mois de janvier en Afrique subsaharienne: un tour d'horizon des principales nouvelles de la liberté d’expression. Réalisé sur base des rapports des membres de l'IFEX.
Ceci est une traduction de la version originale de l’article.
Maxwell Nashan, journaliste et présentateur à la Federal Radio Corporation of Nigeria (FRCN), propriété du gouvernement, est décédé le 15 janvier – et la Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) appelle les autorités à « enquêter de manière approfondie sur son meurtre ».
Il a été retrouvé, ligoté et blessé, par un groupe de fermières, à environ trois kilomètres de chez lui, à la périphérie de Vunokilan, dans la zone d’administration locale de Girei, dans l’État d’Adamawa. D’après les rapports des voisins, on pense qu’il a été enlevé à son domicile dans les premières heures de mercredi matin.
Le journaliste Maxwell Nashan de la Federal Radio Corporation of Nigeria décède après une attaque
MFWA rappelle que « le meurtre de Nashan ravive des souvenirs douloureux des meurtres non résolus de quatre journalistes au Nigeria en 2017 : Famous Giobaro, Lawrence Okojie, Ikechukwu Onubogu et Abdul Ganiyu Lawal ».
« Maxwell Nashan ne doit pas devenir simplement une autre statistique criminelle, et les enquêteurs doivent déterminer si son travail de journaliste était le motif de son meurtre », a déclaré Angela Quintal, coordinatrice de programme au Comité pour la protection des journalistes (CPJ).
Luanda Leaks
L’une des plus grosses affaires du continent en janvier – Luanda Leaks (Les fuites de Luanda) – retrace le chemin tortueux qu’Isabel dos Santos, fille de l’ancien président de l’Angola, a choisie pour devenir la femme la plus riche d’Afrique, tout en laissant son pays comme l’un des plus pauvres du continent. L’enquête approfondie sur son empire révèle des privilèges, du favoritisme, des transactions illicites, des partenariats sans scrupules, l’évasion fiscale et la complicité des multinationales.
NOUVEAU: la femme la plus riche d’Afrique @isabelaangola prétend être une self-made milliardaire. Aujourd’hui, nous dévoilons l’histoire cachée de la façon dont elle a fait fortune en laissant #Angola parmi l’un des pays les plus pauvres du monde.
Lisez #LuandaLeaks
Hormis la manière dont l’ICIJ a travaillé avec plus de 120 reporters du monde entier, ce travail est l’oeuvre du défenseur des droits, chercheur et journaliste Rafael Marques avant d’être cette enquête mondialement saluée.
Depuis 2008, Marques a écrit sur les transactions financières douteuses de la famille Dos Santos via sa plateforme en ligne MakaAngola. Son courage lui a personnellement couté cher. Au fil des ans, il a été persécuté, menacé, arrêté et emprisonné pour des accusations arbitraires.
La mise à l’écart des voix et contributions africaines aux problèmes mondiaux a également été à l’honneur en janvier après que la militante climatique ougandaise Vanessa Nakate a été rognée d’une photographie avec d’autres militants.
Vous n’avez pas simplement effacé une photo
Vous avez effacé un continent
Mais je suis plus forte que jamais
Les excuses d’Associated Press sont arrivées après une indignation mondiale sur Twitter.
Un mois de protestations
Une économie en déclin, une inflation galopante, une corruption rampante, des présidents qui ne tiennent pas leurs promesses, des revendications pour le droit à l’éducation et une éducation de qualité ne sont que quelques-unes des raisons pour lesquelles des manifestants sont descendus dans les rues au Libéria, en Gambie, en Guinée, au Zimbabwe et au Malawi.
Pour de nombreux Gambiens, la sévère répression de la manifestation du 26 janvier menée par le mouvement « Three Years Jotna » [Trois ans ça suffit] rappelle un passé douloureux.
Dans ce qui a été décrit par la Gambia Press Union (GPU) comme l’attaque la plus agressive contre la liberté de la presse depuis que le président Barrow a pris ses fonctions en 2017, deux stations de radio ont cessé leurs activités et quatre journalistes et 137 manifestants ont été interpellés. Le gouvernement dirigé par Barrow a interdit le mouvement Three Years Jotna immédiatement après les manifestations du week-end, les qualifiant de subversives, violentes et illégales.
Les arrestations massives d’hier en #Gambie risquent d’alimenter les tensions car elles sont des échos alarmants du passé brutal du pays.
Lisez notre déclaration complète:
Plus tôt dans le mois, le 16 janvier, des milliers des partisans de l’ancien président Yahya Jammeh et de membres de l’Alliance pour la réorientation et la construction patriotiques (APRC) ont défilé à la périphérie de Banjul, avec des pancartes, des bannières et des photographies, demandant que Jammeh soit autorisé de rentrer de son exile en Guinée Equatoriale. Quelques jours plus tard, le ministre de la Justice Aboubacar Tambadou a déclaré que Jammeh serait arrêté s’il tentait de rentrer au pays.
Le 25 janvier, en réponse à la marche des partisans de Jammeh, les victimes de son héritage brutal sont descendues dans la rue exigeant qu’il soit poursuivi pour ses crimes et que son parti – l’APRC – soit banni.
Les tensions croissantes ont clairement remplacé l’euphorie qui a suivi la victoire électorale de Barrow. La baisse du soutien [ à Barrow] est largement attribuée à son incapacité à reconstruire la cohésion nationale fragmentée par des divisions tribales et à son échec à revitaliser une économie en difficulté.
Le mécontentement de certaines factions a été exacerbé par sa décision de rester au pouvoir pendant cinq ans, après s’être initialement engagé à se retirer après trois ans. Le résultat de ces pressions croissantes a été la dislocation de la coalition qui a porté le président Barrow au pouvoir et la formation de son nouveau parti, à la fin de 2019.
Des manifestations en Guinée ont également fait l’actualité. Depuis octobre de l’année dernière, des milliers de Guinéens ont arboré des t-shirts écarlates qui témoignent de leur soutien à l’opposition et sont descendus dans la rue pour protester contre une éventuelle candidature du président Alpha Condé pour briguer un troisième, voire un quatrième mandat. Les conséquences ont été sanglantes et on estime que 15 personnes ont été tuées jusqu’à présent.
Au Malawi et au Zimbabwe, les protestations ont été menées par des écoliers. Sous le choc de l’escalade de l’inflation au Zimbabwe, les élèves du lycée Njube de Matabeleland sont descendus dans la rue, scandant leur frustration devant l’augmentation des frais de scolarité et les maigres salaires des enseignants. Les élèves ont exprimé leur inquiétude de ne pas pouvoir recevoir une éducation de qualité, du fait que les enseignants cherchaient d’autres moyens de survivre. Refusant de croire que la marche était uniquement organisée par des élèves, la police de Bulawayo était à la recherche du professeur de biologie Brian Mutsiba soupçonné d’avoir organisé ces manifestations.
Exclusif: les élèves du lycée Njube ont organisé lundi une manifestation contre les mauvaises conditions de travail des enseignants et l’augmentation des frais de scolarité.
Regardez la manifestation sur: https://www.facebook.com/CITEZW/videos/489519025042508/ … #Asakhe
Chantant « nous n’apprenons pas, nous n’apprenons pas » en langue vernaculaire Chichewa, des écoliers malawites de Blantyre, âgés de 7 à 13 ans, ont appelé le gouvernement à accepter les demandes des enseignants concernant les ajustements de salaire et les congés payés. N’étant pas en mesure de fréquenter l’école en raison de la grève des enseignants, les élèves ont également exprimé leur colère de se voir refuser leur droit à l’éducation. Les manifestations sont devenues violentes lorsque la police a tiré des gaz lacrymogènes pour disperser les élèves avant qu’ils ne puissent atteindre le bureau de l’éducation du district pour présenter leur pétition.
Des tactiques policières brutales ont également été utilisées au Libéria, où des gaz lacrymogènes et des canons à eau ont dispersé une foule de près de 3 000 manifestants du quartier central de la capitale Monrovia. Les manifestations de Save the State [Sauvez l’Etat], qui ont pris de l’ampleur depuis leur lancement au début de l’année dernière, se sont concentrées sur l’incapacité et la réticence du président Weah à lutter contre la corruption, dans le contexte d’une aggravation de la crise économique dans le pays.
En bref
La prestigieuse rencontre africaine du Festival de photographie et d’art video de Bamako, qui s’est tenu au Mali, a célébré son 25e anniversaire avec une gamme d’œuvres « de 85 artistes représentant un continent aux multiples facettes et conscient de soi », selon The Art Newspaper.
Au Mali, l’exposition de la Rencontre de Bamako présente le travail de photographes qui défient les attentes de la société qui dictent la vie des femmes. Rencontrez des femmes qui utilisent la photographie pour briser les clichés: https://bbc.in/35zyRK0 @IjeomaNdukwe @BamakoBiennale
Le journaliste tanzanien Erick Kabendera était de retour devant le tribunal le 28 janvier et le scénario qui s’ensuivit était une répétition des comparutions passées. Son cas a été ajourné pour la 13e fois, jusqu’au 10 février, alors que l’enquête se poursuit.
Janvier 2020 a également marqué un an depuis que le journaliste ghanéen d’investigation Ahmed Hussein-Suale a été tué à Accra. Il faisait partie de l’équipe Tiger Eye qui a dénoncé une corruption massive dans le football. Dans une lettre au service de police du Ghana, MFWA a demandé des nouvelles sur l’évolution de l’enquête et s’est déclarée préoccupée par le manque d’informations bien qu’elle ait reçu l’assurance qu’elle serait informée de tout progrès dans l’affaire.
La journaliste de radiotélévision Patricia Kayune a été brutalement agressée alors qu’elle couvrait des manifestations à Chitipa, dans le nord du Malawi. Les organisateurs de la manifestation sont intervenus et ont conduit Kayune à l’hôpital où, en plus de ses blessures, elle a dû être soignée pour une crise d’asthme.
Nouveau et remarquable
Le 28 janvier, la section zimbabwéenne de Media Institute of Southern Africa (MISA) a publié son rapport sur l’état des médias, qui détaille les attaques contre les médias par des acteurs étatiques et non étatiques, l’approche tiède des réformes des médias par le gouvernement et le rétrécissement généralisé de l’espace démocratique dans le pays économiquement ravagé.
Préoccupé par le nombre croissant de menaces à l’encontre de journalistes en Afrique du Sud, le South African National Editors Forum a fait une déclaration rappelant « aux formations politiques et aux groupes d’intérêt d’utiliser les services du bureau de l’ombudsman de la presse, le conseil de presse et / ou de la Commission des plaintes de la radiodiffusion de l’Afrique du Sud (BCCSA) lorsqu’ils sont lésés ou injustement traités par les médias ».
La Coalition de la Déclaration africaine des droits et libertés sur Internet (AfDec) a aligné un certain nombre d’activités avec les organisations membres à travers le continent en 2020 pour assurer un « plaidoyer fort pour un Internet ouvert et gratuit ainsi que la promotion stratégique des droits humains en ligne s en Afrique. »