Septembre en Afrique subsaharienne: tour d’horizon des principales informations sur la libre expression. Réalisé sur la base des rapports des membres de l'IFEX.
Ceci est une traduction de l’article original.
Le 16 septembre, la Haute Cour de l’Afrique du Sud a créé un précédent général: elle a déclaré qu’aucun Sud-Africain ne pouvait être espionné sans être prévenu.
À l’avenir, dans les 90 jours suivant l’expiration de l’ordre d’interception, l’État sera tenu d’informer la personne sous surveillance. Pour des périodes de surveillance plus longues, des garanties supplémentaires seront mises en place.
Privacy Internationale
✔ @ privacyint
L’Etat de droit a triomphé aujourd’hui! Six ans après les révélations de @Snowden, la Haute Cour d’Afrique du Sud a déclaré que les pratiques d’interception en masse sont illégales.
L’affaire a été introduite par @amaBhungane, nous sommes intervenus avec @r2kcampaign
Le juge Roland Sutherland a également déclaré que les dispositions relatives à la surveillance massive et à l’interception en masse contenues dans la Loi sur la réglementation de l’interception des communications et la fourniture d’informations liées à la communication (Regulation of Interception of Communication and Provision of Communication-Related information Act), mieux connue sous l’acronyme RICA, étaient incompatibles avec la constitution du pays.
Le juge Roland est allé plus loin dans son jugement en accordant au Parlement deux ans pour corriger les manquements de RICA et l’aligner sur la constitution, soit par un amendement, soit en adoptant une nouvelle loi.
L’affaire remonte à l’époque où Sam Sole, journaliste d’investigation et coprésident de l’unité sud-africaine de journalisme d’investigation, amaBhungane, a pu confirmer ses soupçons de longue date selon lesquels il était sous surveillance. Avec une persistance soutenue, Sole et ses collègues ont porté l’affaire devant les tribunaux après que la réponse à leur plainte formelle ait été jugée insuffisante. Right2Know – une organisation sans but lucratif de défense du droit d’accès à l’information – et Privacy International, membre de l’IFEX, se sont joints à amaBhungane dans son défi, en tant qu’amici curiae (experts indépendants dans une affaire devant le tribunal).
L’implication du jugement historique du juge Sutherland a été ressentie globalement.
La victoire d’IMO @amaBhungane aujourd’hui à la Haute Cour de Pretoria créera une jurisprudence internationale sur de nombreuses questions liées à la surveillance, notamment la surveillance des journalistes et la nécessité d’un droit constitutionnel d’application générale pour la surveillance de masse. Je porterai à l’attention du panel Neuberger
Comme Privacy International le souligne dans son analyse de cette décision historique, « en Europe, nous attendons toujours que la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme se prononce sur la légalité de l’interception en masse au Royaume-Uni et que la Cour européenne de justice réponde à trois cas difficiles concernant la conservation et la collecte de données en masse. »
Suppression de la dissension au Nigeria
Dans un récent article dans le Mail and Guardian, William Gumede, président exécutif de Democracy Works Foundation, a examiné comment les gouvernements africains utilisent les lois antiterroristes pour réprimer leur dissidence. Dans cet extrait édité d’un discours récent sur la démocratie et l’extrémisme en Afrique, Gumede explique comment « des partis d’opposition légitimes, des organisations de la société civile et des activistes sont qualifiés de groupes « terroristes » pour les réduire au silence, restreindre leurs activités, les fermer et réduire leurs financements. »
Son analyse se rapporte directement aux événements actuels au Nigeria, dans lesquels le journaliste, défenseur des droits humains et militant pour la démocratie, Omoyele Sowere, est toujours en détention, malgré une décision de justice autorisant sa libération.
C’est ridicule. Dommage pour vous @MBuhari & pour notre démocratie. Ne laissez pas votre service de sécurité vous pousser à prendre des décisions qui violent la constitution, laquelle vous confère la légitimité. Le droit de manifester est essentiel pour la démocratie que VOUS DEVEZ vous efforcer d’ancrer profondément #FreeSowore
TheCable ✔ @ thecableng
JUST IN: Le gouvernement fédéral accuse @YeleSowore d’avoir « insulté @MBuhari »
L’Association du barreau nigérian a condamné le Département des services d’État (DSS) pour avoir ignoré la décision du juge de la Haute Cour fédérale, Taiwo Taiwo, autorisant la libération d’Omoyele Sowore. L’avocat de Sowore, Femi Falana, a rejeté les allégations du DSS selon lesquelles il n’a pas reçu les copies de l’ordonnance du tribunal. Dans une déclaration signée – et réagissant pour la deuxième fois sur cette question – le lauréat du prix Nobel Wole Soyinka a également condamné l’administration du président Buhari pour « avoir atteint un niveau de paranoïa sans précédent ».
Le 30 septembre, alors qu’il était toujours en détention, Sowore a comparu avec son co-accusé Olawale Bakare pour sept chefs d’accusation, allant de la tentative de conspiration à la perpétration d’un crime de trahison au blanchiment d’argent. Ils ont plaidé non coupable de toutes les accusations portées contre eux.
Le président Muhamed Buhari est critiqué pour avoir sapé la démocratie nigériane pour s’être attaqué sévèrement aux voix discordantes. Avant et après les élections présidentielles et sénatoriales de février 2019, il y a eu rétrécissement constant et implacable de l’espace civique. Très peu de tentatives ont été menées pour réduire les brutalités policières, tandis que les arrestations, les détentions et le harcèlement de défenseurs des droits humains se poursuivent et que le secteur des médias est sous contrôle permanent.
Les journalistes faisant état de pratiques de corruption sont une cible fréquente.
Appelez à une manifestation pacifique, vous serez détenu pour trahison, comme Omoyele Sowore
Demandez des comptes, vous serez emprisonné pour terrorisme comme Agba Jalingo
Tweetez sur l’insécurité vous serez emprisonné comme Steven Kefas
Prenez les armes contre l’Etat, vous serez amnistié comme les bandits#NigeriaAt59
Peu de temps après son article sur le détournement de fonds publics par un gouverneur, le journaliste Agba Jalingo a été arrêté. Il a été accusé de crime de trahison, de terrorisme et de complot en vue de renverser le gouvernement de l’État de Cross River.
Au 35e jour de son enlèvement de sa résidence à Lagos, le journaliste Agba Jalingo a été formellement mis en accusation ce matin à Calabar. Motif? Trahison. Pourquoi, demanderez-vous? Il a demandé des comptes au gouverneur « Kinetic » de l’Etat de Cross-River.
Mary Ekere, journaliste à The Post, a été arrêtée et incarcérée arbitrairement pour avoir pris des photos, pendant que son collègue, Cletus Ukpong, éditrice régionale du Premium Times, était menacée pour avoir relaté sa détention.
La répression de la dissidence ne se limite pas aux détracteurs du gouvernement. Les jeunes gens sont également visés.
Un rapport de Quartz Africa explique comment « un jeune est soupçonné, arrêté, placé en détention et accusé de fausse accusation de fraudeur sur Internet. Dans ces circonstances, généralement on n’a pas d’autres choix que de verser des pots-de-vin pour recouvrer sa liberté ou faire face à un avenir incertain, décidé par le système de justice pénale bancal du Nigéria… »
Le gouvernement camerounais appelé à résoudre la crise
L’Echange africain pour la liberté d’expression (AFEX- African Freedom of Expression Exchange) et l’un de ses partenaires camerounais, l’Association pour le développement intégré et la solidarité interactive (ADISI-Cameroun), ont récemment publié un rapport mettant en lumière les attaques et les menaces contre des journalistes par des acteurs étatiques et non étatiques au Cameroun. Cette répression résulte en grande partie des troubles persistants dans les régions anglophones du pays. AFEX et ADISI-Cameroun appellent le gouvernement camerounais à prendre des mesures pour résoudre la crise en cours et à mettre fin aux attaques contre les journalistes et les militants.
Lettre d’appel de l’UA envoyée à la Tanzanie
Le journaliste malade Erick Kabendera a vu son audience repoussée pour la sixième fois depuis son arrestation il y a plus de deux mois. Comme indiqué dans le dossier régional de l’IFEX du mois dernier, son incarcération prolongée a eu un impact néfaste sur sa santé. Les demandes de ses avocats pour des soins médicaux urgents sont ignorées.
Affaire Kabendera en #Tanzanie: DAR ES SALAAM, 1er octobre (Reuters) – Un tribunal tanzanien a reporté, mardi, pour la sixième fois, l’audience d’un journaliste tanzanien de premier plan arrêté il y a plus de deux mois.
Dans la mesure où il est accusé de blanchiment d’argent et de crime organisé, il risque jusqu’à cinq ans d’emprisonnement sans procès, car la mise en liberté provisoire n’est pas garantie dans les affaires de prétendus crimes économiques. Le rapporteur spécial sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique, Lawrence Mute, a envoyé une lettre d’appel au gouvernement tanzanien au sujet de la situation des droits humains et du maintien en détention du journaliste. Cette intervention a été saluée par l’Institut international de la presse (IPI), un réseau mondial d’éditeurs, de responsables de médias et de journalistes pour la liberté de la presse.
Interdiction du béret rouge
Le membre du Parlement ougandais, Robert Kyagulanyi Ssentamu – plus connu sous le nom de musicien Bobi Wine – devra renoncer à son béret rouge fétiche ou purger une peine de prison. Le 18 septembre, une décision a été prise et publiée dans un numéro extraordinaire du journal officiel (Gazette) interdisant aux civils le port de vêtements ressemblant à la tenue militaire des forces de défense du peuple ougandais. Cela interdit en effet le béret rouge standard arboré par le chef de l’opposition, Bobi Wine, et ses partisans du People Power.
Mission du Rapporteur spécial des Nations Unies au Zimbabwe
Le 17 octobre, Clément Nyaletsossi Voule, rapporteur spécial des Nations unies sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association, a participé à une mission au Zimbabwe. Dans son rapport préliminaire de fin de mission, il a évoqué de nombreuses préoccupations, notamment « l’impact cumulatif de la corruption, le licenciement des infirmiers en grève, les conséquences négatives profondes de l’utilisation des forces militaires, les arrestations, les détentions et même les enlèvements d’un grand nombre de dirigeants syndicaux. » Il a également mentionné l’introduction d’une nouvelle législation limitant le droit de réunion pacifique. Il a conclu son rapport par de nombreuses recommandations visant à améliorer l’environnement et à protéger le droit de réunion pacifique et d’association.
Examen de la déclaration de l’UA
The Namibia Media Trust, en collaboration avec ACTION Namibia Coalition, a convoqué une réunion entre la rapporteuse spéciale Lawrence Mute et les défenseurs de la liberté d’expression et des droits numériques en Afrique australe. En deux jours, les participants se sont plongés dans l’examen du texte de la Déclaration de principes révisée sur la liberté d’expression en Afrique, adoptée lors de la 32ème session ordinaire de la Commission en octobre 2002.
Grand ‘merci’ aux participants de #SADC qui se sont rendus à #Windhoek pour la consultation de #SouthernAfrican sur la révision de la Déclaration de principes de @ACHPR sur #FreedomofExpression en #Africa sous la direction de @lamumu07. Nous avons eu l’honneur de vous accueillir @IFEX @MICTNamibia @NamPresidency
Alors que la Namibie se prépare pour les prochaines élections, Mute a profité de l’occasion pour rencontrer des parties prenantes critiques afin de vulgariser les directives de la Commission africaine sur l’accès à l’information et les élections en Afrique.
Forum 2019 sur la liberté d’Internet
Les membres de l’IFEX et le personnel du secrétariat ont assisté au Forum sur la liberté de l’Internet en Afrique 2019 organisé par le CIPESA à Addis-Abeba, en Éthiopie. Pendant quatre jours, des activistes, des gouvernements et des universitaires ont discuté et débattu de solutions aux problèmes de fermeture d’Internet, de désinformation et d’accès abordable sur le continent.
Parmi les publications marquantes lancées lors du forum, il y avait le rapport sur l’état de la liberté d’Internet 2019 de la CIPESA, qui a documenté les coupures de réseau dans cinq pays: le Tchad, la RDC, le Gabon, le Soudan et le Zimbabwe.
Il a également vu le lancement de Digital Safety Trainers ’Assistant, qui couvre « le type de contenu et de conseils » que l’auteur, Natasha Msonza, « aimerait bien avoir reçue lorsqu’elle a commencé pour lui faciliter grandement la tâche. »
En bref
Le Département des services d’État (DSS) du Nigeria conteste des informations selon lesquelles le journaliste Chido Onumah aurait été arrêté à son arrivée dans le pays. Il prétend au contraire que l’interaction entre Onumah et le Service était «conviviale». Rentrant chez lui après ses études en Espagne, le journaliste et activiste nigérian a dit qu’il lui a été signifié qu’il était arrêté parce que son t-shirt qu’il arborait portait au-devant l’inscription Nous sommes tous des biafrais. Dans le sud-est du Nigéria, de nombreux individus et groupes réclament une république indépendante du Biafra.
Le 10 septembre, l’hebdomadaire sud-africain Mail and Guardian a été informé par son fournisseur de services Internet qu’il avait reçu une plainte «vérifiée» accusant la publication de plagiat. Il a eu 96 heures pour retirer le contenu et a commencé à examiner la plainte. Même avant l’expiration du délai de 96 heures, leur compte était suspendu et leur site Web affichait un avis d’erreur 404. Ils expliquent ici comment une enquête menée par leur journaliste Athandiwe Saba, a continué à créer des ennuis à cause du sujet de leur histoire – Njock Ajuk Eyong – et conduit à la fermeture du site Web.
Répondre à @hurrayforfacts
Après que son nom soit apparu dans un article de @mailandguardian sur un accord pétrolier louche entre le Sud-Soudan et l’Afrique du Sud, quelqu’un a copié et collé l’article sur un blog obscur, a antidaté la publication et a accusé le journal de plagiat.
CENSURE: Comment le M & G s’est fait démolir
Comment le plus ancien site d’information d’Afrique a été démoli par une fausse plainte de plagiat
Joseph Kraus @ hurrayforfacts
Sous la menace de son fournisseur de services, le @mailandguardian a supprimé l’histoire, mais l’a publiée sur Twitter, refusant d’être censurée ou victime d’intimidation.
Nouveau et important
Un cours en ligne gratuit de six semaines portant sur les principes de liberté d’expression, de liberté des médias et d’accès à l’information est proposé par Wits LINK Center et WitsX. Il est conçu pour les activistes, les étudiants, les régulateurs, les journalistes, les avocats et toutes les personnes désireuses de garantir des médias africains libres, pluralistes et indépendants. Le cours de Wits rend hommage à l’héritage de la militante sud-africaine pour la liberté des médias et la liberté d’expression, Jeanette Minnie, décédée en novembre 2016.
Un rapport de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) a révélé que seuls quatre internautes sur dix au Kenya sont préoccupés par leur vie privée en ligne. Cette conclusion du rapport de la CNUCED sur l’économie numérique, publié au début du mois de septembre, était fondée sur les conclusions de l’Enquête mondiale de 2019 sur la sécurité et la confiance sur Internet.
L’Érythrée est en tête de la liste du rapport du Comité pour la protection des journalistes sur les 10 pays les plus censurés au monde. Lancés le 10 septembre, les classements sont basés sur divers facteurs, notamment les restrictions imposées aux médias privés ou indépendants; les lois pénales sur la diffamation; les restrictions à la diffusion de fausses nouvelles; les blocages de sites Web; la surveillance des journalistes par les autorités; les conditions d’obtention de licence pour les médias; et piratage ciblé ou à la traîne.