Un tour d’horizon des principales informations sur la libre expression en Afrique, basé sur les rapports des membres de l'IFEX.
En plus de l’honneur d’accueillir la WPFD, le Ghana a également été en mesure de célébrer sa première place en Afrique et sa 23ème à l’échelle mondiales dans l’index 2018 du classement RSF de la liberté de la presse. Cependant, le pays a également été contraint de reconnaître un rapport de la Foundation des médias pour l’Afrique de l’Ouest qui soulignait des attaques contre 17 journalistes au cours des 15 derniers mois.
Le plus troublant des incidents signalés a été l’agression de Latif Idrissu après que le journaliste eut demandé à un policier le nom d’un des véhicules anti-émeutes. Au lieu de répondre, le policier l’a attaqué et a été rejoint dans cette besogne par d’autres officiers. Idrissu a souffert de blessures au visage, au cou et aux côtes.
L’épineuse question de l’absence d’une loi sur le droit à l’information (RTI) au Ghana a également été soulevée, avant et pendant la cérémonie d’ouverture de la Journée mondiale de la liberté de la presse.
La promulgation du projet de loi RTI est sur la table depuis 17 ans et dans son discours prononcé le 6 mars à l’occasion du Jour de l’Indépendance du pays, le Président Nana Addo Dankwa Akufo-Addo a réitéré la promesse d’envoi du projet de loi au Parlement. Deux semaines plus tard, la Coalition pour le droit à l’information a envahi les rues d’Accra en distribuant des tracts exigeant que le projet de loi soit présenté au parlement avant la suspension de ses travaux. Tous les espoirs d’être adopté avant la WPFD ont été déçus.
En marge de son discours lors de la cérémonie d’ouverture des manifestations de la WPFD à Accra, Nnenna Nkwakanma, directrice principale des politiques à la Worldwide Web Foundation, a mentionné la promesse du Ghana de promulguer la loi RTI en 2017 et le fait qu’un an plus tard, le projet de loi était toujours en attente. Elle a exhorté les autorités à adopter la loi avant la fin de l’année.
De l’autre côté de la frontière au Libéria, le secteur des médias a dû faire face à une série d’événements tout au long du mois d’avril dont les plus pénibles étaient l’assassinat du journaliste Tyrone Browne et la mort du célèbre journaliste Kamara Abdullai Kamara, mieux connu sous l’acronyme de KAK.
Au cours du mois, le président George Weah a verbalement attaqué le correspondant local de la BBC, Jonathan Paye-Layle, qui semblait donner l’ordre au maire de Monrovia d’attaquer verbalement Rodney Sieh, directeur de la rédaction de Front Page Africa. Avant que cela ne dégénère, le FPA a été temporairement fermé à la suite du dépôt d’une plainte en diffamation civile de plusieurs millions de dollars contre le papier d’un de ses annonceurs.
Ce qui a choqué les Libériens, c’est le fait d’avoir jeté le corps du journaliste Tyron Brown aux portes de sa maison le 16 avril. Au moment même où la solidarité médiatique appréhendait le meurtre de Brown, il y avait des nouvelles de la mort du journaliste bien connu Kamara Abdullai Kamara, l’ancien président de l’Union de la presse du Libéria.
La brutalité à l’encontre des journalistes a été au centre d’une décision des Journalistes nationaux pour les droits humains en Ouganda (HRNJ-Ouganda) de boycotter toutes les activités et manifestations de la police pour protester contre les violences infligées aux journalistes. Au cours des derniers mois, les journalistes ont été empêchés de faire des reportages sur des affaires de la police et ont été plutôt brutalement agressés lorsqu’ils tentaient de couvrir des affaires judiciaires impliquant le secteur de la sécurité.
L’enlèvement et l’agression brutale du célèbre journaliste et avocat des droits humains Ericino de Salema à la fin du mois de mars soulignent les défis auxquels sont confrontés les professionnels des médias au Mozambique qui sont constamment menacés de se faire capturer ou de voir des membres de leur famille enlevés. Se retrouver soi-même avec le canon d’une arme sous la tempe est quelque chose que les journalistes n’excluent pas.
Habitué des tribunaux, Rafael Marques de Morais, militant angolais des droits humains et journaliste, a une nouvelle fois dû faire face à un ajournement de son procès. Ses accusations se rapportent à une histoire que Marques a écrite en 2016 au sujet d’un achat de terrain par l’ancien procureur général Joao Maria de Sousa. Le truc, cette fois, c’est que son audience se tiendra à huis clos puisqu’il a été décidé que le procureur général a des privilèges spéciaux.
En République démocratique du Congo, les journalistes continuent de travailler tout en faisant face à des menaces, des intimidations, des détentions prolongées ou la mort.
Les femmes journalistes au Soudan doivent trouver des moyens pour faire face à des conditions de travail périlleuses. L’une de ces femmes est Anna Nimiriano, rédactrice en chef du Juba Monitor. Nimiriano fait face à des pressions externes et internes. Quand son journal a publié une photo incorrecte d’un général, « des hommes sont arrivés à son bureau et ont menacé en disant: nous vous emmènerons à un endroit où vous ne vous reconnaîtrez pas vous-même » – ce qui signifie qu’ils la tueraient En interne, elle est défiée par le personnel masculin qui remet en question son rôle de rédacteur en chef qui donne des ordres, du fait qu’elle est une femme.
En Éthiopie, l’état d’urgence, réintégré pour la deuxième fois en 18 mois, était encore une fois utilisé pour venir à bout des voix discordantes. Vers la fin du mois de mars, les autorités ont arrêté à nouveau les journalistes Eskinder Nega et Temesghen Desalegn, les blogueurs Befekadu Hailu et Mahlet Fantahun de Zone 9 et Zelalem Workagegnehu, auteur de De Birhan Blog. Ils étaient avec plusieurs autres collègues et amis qui assistaient à une cérémonie de remise de prix pour saluer les sacrifices consentis par les activistes lors de leur arrestation.
Leur libération est intervenue dans la foulée de l’investiture d’Abiy Ahmed en tant que Premier ministre. Considéré comme un jeune et dynamique réformateur, sa nomination est considérée comme une avancée prometteuse annonciatrice des reformes démocratiques tant désirées en Ethiopie.
Au cours d’une répression vers la fin du mois de mars, les autorités érythréennes ont arrêté Mohammednur Yahya, rédacteur en chef du journal arabe Érytrea Alhaditha, Abdulkader Ahmed, chef de rubriques du journal Tigrinya Haddas Ertra et du journaliste Abubeker Abdelawel.
Fermetures d’Internet et des médias sociaux dans la foulée des élections
Une tendance inquiétante à la hausse sur le continent africain est l’interruption ou la fermeture complète de l’Internet. Le Tchad et la Sierra Leone ont rejoint cette liste ce mois-ci.
Dès la fermeture des bureaux de vote en Sierra Leone le 31 mars, lors du second tour des élections présidentielles, le pays a fermé Internet et coupé tous les services de communication mobile. Selon les médias, Sierra Leone Decide, un groupe de surveillance des élections, a déclaré que la mesure devait visait à empêcher la Commission électorale nationale et d’autres organes de partager les résultats des élections avec les affiliés du parti.
Depuis le début du mois d’avril, les utilisateurs des médias sociaux au Tchad ont été incapables d’accédez à Facebook et WhatsApp via deux grands fournisseurs de services Internet – Airtel et Tigo. Ni le gouvernement ni les FSI n’ont fourni de raisons pour la déconnexion des services, mais selon les médias, Airtel et Tigo attribuent les perturbations aux problèmes techniques.
Victoire de la liberté d’information
Pour terminer sur une note positive, il y a eu de bonnes nouvelles au Nigéria, lorsqu’un jugement capital de la Cour d’appel a décrété que les états nigérians étaient tenus de répondre aux demandes déposées en vertu de la Loi sur l’accès à l’information (FOI). La décision a été prise à la suite d’un appel interjeté par le journaliste Martins Alo contre le président de la Chambre de l’assemblée de l’État d’Ondo et le vérificateur général de l’État d’Ondo.
Alo a demandé un redressement judiciaire lorsque sa demande du rapport certifié du gouvernement de l’état d’Ondo a été rejetée. Cependant, la Haute Cour a statué en faveur du gouvernement de l’État d’Ondo, déclarant que la loi FOI du Nigéria ne s’appliquait pas aux états, qu’Alo n’avait pas le droit de demander comment l’état dépensait l’argent et que cette demande n’était pas dans l’intérêt public.
La décision de la Haute Cour a été cassée par un tribunal de trois membres de la Cour d’appel qui a convenu avec Alo que la Loi FOI était applicable aux états et qu’il était dans l’intérêt public que le gouvernement de l’état publie son rapport certifié.