VIOLATIONS DE LA LIBERTE DE LA PRESSE EN TURQUIE Septembre – Octobre – Novembre 2000 Onze journalistes interpellés Le 3 septembre 2000, Suat Ozalp, correspondant à Diyarbakir (sud-est de la Turquie) du bimensuel humoristique prokurde Pîne, est interpellé une heure par la police. Ce journaliste doit signer un document dans lequel il s’engage à ne […]
VIOLATIONS DE LA LIBERTE DE LA PRESSE EN TURQUIE
Septembre – Octobre – Novembre 2000
Onze journalistes interpellés
Le 3 septembre 2000, Suat Ozalp, correspondant à Diyarbakir (sud-est de la Turquie) du bimensuel humoristique prokurde Pîne, est interpellé une heure par la police. Ce journaliste doit signer un document dans lequel il s’engage à ne plus « diffuser le journal ». Suite à son refus, il comparaît devant le procureur pour « port de publications illégales ».
Le 12 octobre, Erhan Palabiyik, propriétaire du périodique de gauche Demokrat Baykan, est incarcéré avec son épouse Sonmez Palabiyik, rédactrice en chef du journal. Ils sont poursuivis en vertu de l’article 159 alinéa 1 du Code pénal pour « moqueries et insultes envers les forces de sécurité de l’Etat ». Le 19 octobre, le couple est libéré et les charges sont abandonnées.
Le 24 octobre, Neset Karadag, reporter pour l’agence de presse Dogan, et Ali Güleryüz, cameraman pour cette même agence, sont interpellés par la gendarmerie alors qu’ils filment et photographient la base militaire aérienne de Incirlik (sud du pays). Après contrôle de leurs images, les journalistes sont remis en liberté le jour même.
Le même jour, Halil Celik, reporter pour le journal d’extrême gauche Yasadigimiz Vatan, et Erdal Kara, journaliste pour Yeni Evrensel, sont interpellés à Ankara. Ils couvraient une manifestation avant le procès des responsables de la mort de dix détenus à la prison Ulucanlar, à Ankara. Ils sont libérés le lendemain
Le 29 octobre, Abdulkadir Konuksever, journaliste de la chaîne privée ATV, est interpellé à Istanbul au moment où il rencontrait un membre de la famille d’un trafiquant de drogue recherché par Interpol. Il est conduit au commissariat d’Atakoy à Istanbul puis relâché le lendemain.
Le 9 novembre, alors qu’ils couvrent l’inauguration d’une piscine à Adana, Halil Imrek et Sinan Araman, correspondants du quotidien d’extrême gauche Yeni Evrensel, et Cetin Gülbasar, journaliste au quotidien local Yeni Adana, sont interpellés par des policiers en civil qui les conduisent au commissariat. Après le contrôle de leur casier judiciaire, ils sont relâchés.
Un journaliste incarcéré
Le 29 septembre 2000, Zeynel Engin, journaliste au bimensuel d’extrême gauche Devrimei Demokrasi et rédacteur en chef des périodiques Partizan Sesi et Halkin Gülügü, est arrêté à Elazig (est du pays) puis conduit au commissariat. Il est ensuite incarcéré successivement à la prison d’Elazig et de Malatya. Lors de la première audience de son procès devant la Cour de sûreté de l’Etat numéro 2 de Malatya, Zeynel Engin est accusé « d’aide aux organisations illégales ». Le journaliste, qui est libéré le 7 novembre, affirme avoir été, durant sa garde à vue, soumis à des « pressions psychologiques et insulté ».
Un journaliste agressé
Le 22 novembre 2000, Sakir Aksu, caméraman de la chaîne privée TGRT, est agressé par des policiers devant la cour constitutionnelle où le président Ahmed Necdet Sezer assistait à une cérémonie. Les causes de l’agression demeurent inconnues.
Cinq journaux censurés
Début septembre, le numéro 58 de l’hebdomadaire prokurde Roja Teze est saisi sur ordre du procureur de la République d’Istanbul, en vertu de la loi 5680 sur la presse. Le journal est accusé de « propagande séparatiste » pour avoir publié un article intitulé « L’immigration, les Kurdes, Manisa » qui abordait le thème de l’immigration des Kurdes. Le 14 octobre, l’hebdomadaire Roja Teze est saisi par le procureur de la Cour de sûreté N°5 d’Istanbul. Le journal, accusé de « propagande séparatiste », avait publié un article dans lequel le terme « Kurdistan du Nord » avait été employé pour désigner le sud-est de la Turquie. Le même jour, le quotidien d’extrême gauche Yeni Evrensel est saisi sur ordre du procureur de la Cour de sûreté de l’Etat N°1 d’Istanbul, en raison de la parution de deux articles condamnant la construction des prisons de type F.
Le 11 novembre, le nouveau bimensuel prokurde, Rojeva Welat, est interdit dans la région d’urgence en vertu de l’article 11 de la loi d’urgence.
Le 23 novembre, Yeni Evrensel est suspendu un mois par la Cour de sûreté de l’Etat pour avoir « porté atteinte à la sécurité nationale ». L’article incriminé, publié le 17 mars 2000, et intitulé « Une fête du Newroz en flamme », évoquait le nouvel an kurde.
Trois journalistes condamnés
Le 27 septembre 2000, Meral Tamer, éditorialiste du quotidien Milliyet, est condamné en vertu de l’article 158 du Code pénal turc à un an et quatre mois de prison avec sursis pour « insulte envers le président de la République » (Süleyman Demirel). Deux de ses articles, « Qui est le principal responsable des décombres ? » et « Un tremblement de terre de 7.4 de magnitude n’ébranlera pas Demirel », parus en août 1999, mettaient en cause la responsabilité du Président lors du tremblement de terre du 17 août 1999 qui a fait plus de 17 000 victimes.
Le 18 octobre, Yeter Polat, rédactrice en chef du mensuel féminin prokurde Jin u Jiyan, est condamnée par la cour de sûreté de l’Etat N°4 d’Istanbul à vingt mois de prison avec sursis et à une amende de 100 millions de livres turques (environ 160 euros).
Le 23 novembre, le rédacteur en chef de Yeni Evrensel, Bülent Falakaoglu, est condamné à vingt mois de prison et à une amende de deux millions de livres turques (environ 3 euros). Cette condamnation est liée à la parution de l’article « Une fête du Newroz en flamme » qui a valu, le même jour, à Yeni Evrensel un mois de suspension.
Vingt-trois chaînes de télévision et deux radios sanctionnées par le Conseil de l’audiovisuel
Le 7 septembre 2000, le Conseil de l’audiovisuel (RTÜK) suspend les émissions de douze chaînes de télévision et deux radios pour un total de 41 jours. Accusée de diffuser des « images obscènes » dans des émissions de distraction, InterStar est sanctionnée pour deux jours. Show TV est suspendue quatre jours pour avoir diffusé les images d’une femme qui se prostitue à côté de son fils. Kanal E, accusée d’avoir diffusé un film traitant de l’inceste, est suspendue pour un jour.
Le 20 septembre, dix autres médias audiovisuels sont sanctionnés pour 138 jours. La radio locale Radyo Ekin est notamment suspendue trois jours pour avoir diffusé des « émissions moqueuses et insultantes envers les individus et les institutions, au-delà des limites de la critique ».
Le 9 octobre, la chaîne locale Ufuk TV de Malatya (est du pays) est suspendue pour une durée de 90 jours. Le RTÜK l’accuse d’avoir diffusé les propos de personnes ayant participé à une conférence du parti prokurde légal (HADEP).
Le 9 novembre, les émissions de la chaîne cablée Teleon sont suspendues un jour pour avoir diffusé un film, « Autoroute », qui a porté « préjudice au développement physique, psychologique et mental des enfants et des adolescents ».
Depuis le 1er janvier, le RTÜK a infligé 4 031 jours de suspension à l’encontre de plusieurs dizaines de stations de radio et chaînes de télévision.
Incendie des bureaux d’un périodique
Dans la nuit du 19 au 20 octobre 2000, à Gebze, des inconnus mettent le feu aux bureaux du périodique kémaliste Gebze Son Deyis. Les habitants du quartier interviennent avant que l’incendie ne prenne trop d’ampleur. Depuis deux ans, le journal dénoncait la corruption de la mairie de Gebze.
Par ailleurs, Reporters sans frontières continue de demander la libération immédiate et inconditionnelle des journalistes Yalçin Küçük, de l’hebdomadaire de gauche Hepileri, arrêté le 29 octobre 1998, et Hasan Özgün, du quotidien d’extrême gauche Özgür Gündem, arrêté le 9 décembre 1993. L’organisation réclame un procès juste et équitable pour les journalistes Asiye Zeybek Güzel, des hebdomadaires d’extrême gauche Isçinin Yolu et Atilim, arrêtée le 22 février 1997, et Nureddin Sirin, de l’hebdomadaire islamiste Selam, arrêté le 6 février 1997.